Condamnation de Siham Japonia : l’arbitraire, le corporatisme et la misogynie

Siham Japonia, chanteuse de raï, a été condamnée à 18 mois de prison ferme. Elle n’avait que sa voix et ses hanches. Certes maladroite dans son insolence.

Mais Siham Japonia ne mérite pas de subir la triple peine, celle de la forfaiture de la justice pour camoufler l’échec du régime dans la gestion de la pandémie, celle de la misogynie venant en renfort pour la condamner pour ce qu’elle est et pas pour ses propos et celle enfin résultant de la réaction corporatiste de certains médecins « jaloux » à l’occasion pour défendre leur honneur bafoué.

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Un métier n’est important ou « noble », pour emprunter le qualificatif réputé chez beaucoup de médecins, qu’en rapport au service qu’on rend à la société. Tous les métiers sont donc « nobles », mais cela n’exclut pas qu’ils peuvent être infestés de véreux, de vicieux et de ceux qui n’ont pas la conscience professionnelle.

Des membres du personnel médical sont aussi critiquables, autant d’ailleurs que les journalistes ou les enseignants. Ce qui est fâcheux de tomber de part et d’autre dans la généralisation et dans les raccourcis, que ce soit de Siham en s’attaquant à tous les médecins ou de ces derniers en réagissant en tant que corps. On risque de se tromper d’ennemi.

Le raccourci est l’exercice le plus facile et il pourrait ainsi assouvir momentanément une frustration, une haine ou une colère. Mais il ne pose pas le problème de fond, ses causes et ses origines.

Beaucoup d’intellectuels et mêmes ceux qui sont considérés comme des grands auteurs sont tentés, volontairement ou involontairement, d’user de cet exercice en confondant, région à la population, idéologie à la race ou à la religion et à tous ses croyants, peuple au système, parti politique à une population d’une région et jusqu’à une incivilité commise par un groupe à toute la population d’une région.

Et parmi les raccourcis les plus édifiants, à la Eric Zemmour, qu’on a pu lire : « les migrants de Cologne génétiquement frustrés », « le peuple de la Grande Poste » ou les « montagnards kabyles » et tout dernièrement la supériorité de l’occidental par rapport au nord-africain, condamné par essence à la fainéantise, à la recherche perpétuelle de bouc-émissaire pour justifier ses échecs…

Le régime n’est pas exempt, puisqu’il se complait dans l’accablement du peuple de sa faillite, de sa mauvaise gestion et de ses dérives.

Quoi qu’on dise, la colère de Siham Japonia est légitime par rapport à l’état désastreux de nos hôpitaux. Est-ce c’est juste ce qu’elle a dit dans sa vidéo diffusée sur les réseaux sociaux ? Il y a certainement des choses à dire quant à la manière de s’attaquer à tout le personnel médical au lieu au système de la santé en ruine, à l’image d’ailleurs du système politique qui l’a jugé et condamné à 18 mois de prison ferme. Pas par amour ou pour défendre le personnel médical, victime lui-même de ce système (la répression féroce du mouvement des résidents en 2017) et malgré tout, il continue à se battre chaque jour et dans des conditions insupportables et à fournir des efforts surhumains pour prodiguer les soins les plus élémentaires et à assister une population en détresse.

Youcef Rezzoug