Pardon Matoub Lounès !

Si Matoub était vivant. Si Matoub Lounès revenait ce soir nous voir, il nous reprocherait tant de choses, et la plus grave, celle de n’avoir pas entretenu la mémoire de son combat, de sa révulsion de l’intégrisme.

Il nous reprocherait sans aucun doute et avec la franchise qu’on lui connait d’avoir laissé des intégristes et des rétrogrades s’emparer de sa mémoire.

Il nous reprocherait d’avoir laisser des Amir Dz et des Zitout se réclamer du combat de Matoub Lounès, lui qui se battait pour l’abrogation du code de la famille, qui détestait les misogynes, qui haïssait Ali Benhadj et Abassi Madani, qui faisait la guerre au GIA et qui humiliait quotidiennement la junte militaire et les ennemis de la liberté. Les libertés individuelles, la Liberté de la Femme avant tout !

Matoub Lounès, le combattant, le rebelle qui ne quittait jamais sa kalachnikov. Matoub Lounès, mort les armes à la main, lui l’éternel partisan de la double rupture avec le régime et l’intégrisme.

Matoub Lounès, le Résistant, le barde, le guerrier des mots, le Républicain assumé, l’Algérie au cœur, la Kabylie aux tripes, Béni Douala dans les entrailles, tamazight dans le sang et la chanson du tréfonds.

Pardon Matoub de m’etre tu,
Pardon de n’avoir jamais réagi jusqu’à ce jour, pourtant j’ai eu l’honneur de t’approcher en quelques rares occasions, mais je garde intacts tes propos et la mémoire de tes discours.
Je témoigne ici, que tes propos étaient les mêmes, que cela soit sur les plateaux télé, à Paris durant ton court exil ou chez toi au village.

Comment, pourquoi a-t-on laissé des charlatans, des liberticides, des mercenaires, des amis des Dictateurs, des petits intégristes, des apprentis-terroristes s’emparer de ta mémoire, tronquer ton combat, tromper tes idéaux et dévoyer ton message ?

Comment tes intimes n’ont jamais réagi ?
Je ne les citerai pas ici, ils se reconnaîtront.

Il est temps de dire Stop !
Stop aux tromperies, stop aux manipulations, stop aux mensonges, stop au deuxième assassinat de Matoub Lounès.

Il n’est pas trop tard, jamais trop tard de s’excuser pour tout ce que nous n’avons pas fait pour toi.

Il n’est jamais trop tard pour remettre les pendules à l’heure aux charlatans et aux agents pour que la Jeunesse de notre pays redécouvre Matoub, ses combats, ses chansons, son histoire, ses amours, ses idéaux, ses convictions politiques.

Il est temps que la jeunesse qui écoute ses chansons, 20 ans après sa mort, prenne conscience que Matoub n’appartient à personne et surtout pas à ceux qui considèrent que la liberté doit exclure la moitié de l’humanité parce qu’elle ne porte pas le même sexe, à ceux qui considèrent que la liberté est juste un moyen d’accéder au pouvoir pour instaurer une nouvelle Dictature.

Matoub, c’est le Abane d’aujourd’hui,
le Hirak d’hier, le Révolutionnaire de toujours !

Matoub était cet éternel objecteur de conscience qui ne voulait ni d’un État théocratique, ni d’une Dictature militaire.

Il a connu les balles de la gendarmerie avant de disparaître sous les balles des terroristes.

Matoub n’était pas un naïf, il n’a pas été trahi, il est mort car il a assumé jusqu’au bout ses convictions politiques contre l’intégrisme, contre le FLN, contre le pouvoir.

Il assumé le combat contre ceux qui travestissent aujourd’hui sa mémoire.

J’appelle ses amis à le défendre comme ils l’ont défendu hier.

J’appelle ses amis à dénoncer le deuxième assassinat de Matoub Lounès en condamnant les inepties des petits charlatans, les mensonges et les récupérations éhontées des descendants de Bouyali, Antar Zouabri et consorts.

Le Silence, c’est la mort,
la seconde mort de Matoub Lounès.

Pardon Matoub Lounès,
je ne me tairai plus.

Ahlil !

Sofiane Benyounes, militant politique