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Idir Achour : l’homme, le militant, le stratège
Voilà la première année qui nous sépare de ton militantisme frénétique et de ton altruisme sans borne. Idir Achour, tu nous as quitté très tôt et dans un moment inédit de lutte des classes que t’as toujours veillé à ce qu’elle aboutisse à notre raison d’être : la révolution des opprimés et des démunis.
Idir Achour, ton cœur puncheur, esquinté par les longues années de luttes acharnées et ininterrompues contre toute forme d’injustice, et par sa compassion et sa fascination pour cette formidable irruption des masses tant attendue, s’est arrêté pour chagriner les nôtres.
Malgré la tristesse qui nous hantent suite à ta disparation soudaine, ta ferveur nous comble de courage et de détermination pour défendre avec fermeté le ras-le-bol du peuple d’en bas. Tu incarnes aux yeux de ta famille, de tes amis, de tes collègues et de tes camarades cet « homme nouveau » qu’on veut bâtir demain, celui qui a va rompre avec la propriété privée, l’individualisme, l’égocentrisme, la concurrence, le racisme et le mépris que l’idéologie capitaliste symbolise aujourd’hui.
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Les moments qu’on a passé ensemble et le parcours de lutte que j’ai partagé avec toi au du PST et particulièrement au sein du CLA où nous étions très proches, pour défendre la cause des enseignants contractuels, m’ont permis non seulement de me forger mais aussi d’aimer ce que je fais en tant que militant, grâce à tes réflexions syndicalo-politiques spontanées, et à ton humour débonnaire qui te colle même dans les moments les plus périlleux. Je n’oublierai jamais le jour où tu chantais à l’intérieur du fourgon de police pour nous décontracter, malgré les coups de matraque qu’on avait encaissés, suite à la fermeture qu’on avait imposée au ministère de l’Education et de l’enseignement au Ruisseau (Alger) en 2015.
Loin des éloges que t’as tout le temps rebutés, j’aimerais à travers ce témoignage nuancer certains qualitatifs que certains militants t’ont toujours attribués, comme étant « activiste » et « luttiste », et dépourvu de toute vision stratégique ! Or, c’est ta capacité de traduire et simplifier les enjeux les plus complexes avec souplesse, loin de toute démagogie et langue de bois, qui a induit en erreur ces militants dans leurs jugements ! En effet, c’est quoi la stratégie, si ce n’est la capacité de penser la politique à partir d’un niveau de conscience déterminé et les rapports de forces réels dans la société, ce que t’as toujours réussi à faire.
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Le Hirak a approuvé tes thèses des années antérieures, celles d’un régime à bout de souffle et la nécessité de frapper fort pour le pousser au bout de ses contradictions, comme tu l’as fait depuis des années, et notamment à partir de 2014 pour contrecarrer les politiques d’austérité. La salutaire et victorieuse lutte pour l’intégration des enseignants contractuels que t’as menée avec ardeur a débouché sur le recul du gouvernement dans sa volonté de geler le recrutement dans la Fonction publique et qui a pu décrocher 19 262 postes en 2015, et 28 000 postes en 2016 ! Ce fut un parfait exemple de ta capacité de déceler les enjeux politiques d’une période donnée et ce qui doit être fait afin d’exacerber la crise du régime en place.
Si je donne cette lutte comme exemple, car effectivement elle est loin d’être syndicale, elle est purement politique. Idir Achour, tu avais conscience que tant que le marché du travail est constitué de 45% de précaires et de 4,5 millions de chômeurs, la classe ouvrière ne va pas espérer de beaux jours. Ta conception était celle qui consiste à montrer à la fois la voie de la titularisation pour les travailleurs précaires des autres secteurs, permettre à la classe ouvrière de respirer et de s’organiser davantage, enlever la pression exercée sur les salaires, et d’assurer un renouveau syndical et politique, comme l’ont fait cette année les enseignements du primaire !!
En outre, ta vision du syndicalisme témoigne de ta capacité de penser la stratégie révolutionnaire. Malgré le statut corporatiste du CLA, tu as réussi à dépasser les revendications spécifiques en s’inscrivant dans une dynamique de lutte pour tisser des liens politiques et organiser les autres opprimés en lutte, comme les travailleurs des autres secteurs, les chômeurs, les précaires, les femmes, les étudiants, le mouvement associatif et avec tous les peuples opprimés à travers le monde, comme le soutien au peuple palestinien. Tes derniers propos avant que tu nous quittes pointaient justement le doigt sur la nécessité de renforcer le Hirak avec des revendications sociales, sa structuration et la responsabilité des syndicats de s’inscrire dans ce bras de force contre le régime.
Malgré les différends qu’on avait, notamment sur ma démission de l’enseignement suite à mon obligation de passer mon service militaire, et sur mon départ en France, je fais mien ton credo : Seul la lutte paye ! Mounadiloune bila 3ounwane !
Repose en paix camarade.
M. Abdennour
Paix à son âme. Que Dieu l’accueille en son vaste paradis.
Ton combat n’a pas été vain.