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Sécurité sanitaire et débat politique
Il nous faut gagner du temps pour éviter le chaos et préserver le plus possible de vies humaines. Il faut également dire la vérité tout en ouvrant les pistes les plus réalistes.
Tel qu’il est conçu, configuré et géré, notre système de santé ne peut pas faire face à la pandémie actuelle et ceci quel que soit l’engagement des personnels de santé qui relève, bien souvent, du sacrifice. Nous ne pouvons pas nous permettre les souplesses que s’accordent certains pays disposant de structures, de compétences et de programmes sanitaires qui n’existent pas chez nous.
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Nous ne détectons pas assez. Le minimum de matériel fait défaut. La chaine de transmission des prélèvements et, hélas, on ne peut pas l’exclure, des produits utilisés pour les examens peuvent prêter à équivoque. Plus fondamentalement, les désorganisations et les frilosités politiques – le mot confinement a été banni par la classe politique pendant plusieurs semaines – ont occasionné un retard considérable dans la prise de décision, ce qui a donné une propagation du virus dont, aujourd’hui, nul ne connait vraiment l’incidence réelle. On peut donc s’attendre à devoir affronter des phases critiques dans les jours ou semaines à venir.
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La défaillance politique et la régression de notre système de santé sont des faits dont il faut, non pas s’accommoder, mais bien prendre la mesure pour apprécier les décisions qui s’imposent à nous.
Chez nous, plus qu’ailleurs, le confinement demeure, pour l’heure, la seule et la meilleure barrière de protection. Nous devons le répéter inlassablement et nous y résoudre avec la plus grande discipline pour :
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1) Limiter la propagation du virus.
2) Soulager les personnels soignants qui sont déjà au bord de la rupture.
3) Gagner du temps car des molécules pourraient être mises sur le marché à des prix abordables plus rapidement que prévu. De plus, les chaines de fabrication de masques et de respirateurs tournent à plein régime pour combler les déficits.
Il ne faudrait pas que l’extension de l’épidémie, évoluant en endémie, prive l’Algérie du bénéfice de ces traitements et de ces disponibilités de moyens. Un bon confinement nous mettrait en situation de tirer le meilleur profit possible de ces avancées scientifiques et techniques.
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Pendant ce temps, et pour rendre l’inoccupation plus supportable, nous pouvons transformer ce moment de retraite imposée en séquence de réflexion collective féconde. Le besoin de discussion libre est manifeste et s’exprime déjà.
Des commentaires spontanés dénoncent le système d’éducation qui a fini par dégrader nos facultés de médecine; celle d’Alger a pourtant longtemps figuré parmi les centres de formation les plus crédibles de la Méditerranée occidentale. D’autres citoyens condamnent l’incurie des régimes successifs en pointant du doigt les dépenses inconsidérées qui ont privé le pays d’infrastructures sanitaires dignes de ce nom. La plus emblématique des fautes politique, morale, urbanistique et économique étant la mosquée d’Alger dont le coût définitif – quand il sera rendu public- restera un marqueur parmi les exemples de dérives mégalomaniaques que peut s’autoriser un pouvoir sans contrôle.
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Ces interventions irritent certains de nos compatriotes qui arguent que l’heure n’est pas aux règlements de compte ni aux polémiques. Si elles peuvent être entendues, compte tenu de la situation, ces réactions ne doivent pas, pour autant, empêcher le débat de fond de s’amorcer à l’occasion de cette crise. Au contraire. Le confinement peut être l’occasion d’échanger dans les familles et, au delà, par l’intermédiaire des medias indépendants ou sur la toile. Des sujets majeurs interdits par les censures, les tensions sociales, les calculs politiciens, ou transformés en tabous par les pressions populistes voire le charlatanisme ont été bloqués.
Le débat n’est pas antinomique de responsabilité et de vigilance. Bien conduit, il valorise et légitime l’une et l’autre.
Saïd Sadi