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Saïd Khelil : « Le hirak a proposé son projet de société »
Saïd Khelil livre dans cet entretien son analyse des raisons de la naissance du mouvement populaire et revient sur ses acquis et ses perspectives.
Une année déjà depuis que le Mouvement populaire est en marche. Quel bilan en faites-vous?
Saïd Khelil : Il n’y a pas de bilan à faire, je préfère parler plutôt d’une évaluation des événements qui se sont succédé depuis une année. Cela dit : depuis le 22 février 2019, le peuple algérien vit une dynamique révolutionnaire pacifique. Une dynamique qui rappelle celle qui avait emporté le peuple algérien sur le chemin de son indépendance, un certain 1er novembre 1954. Juste l’une est armée, contre le colonialisme et l’autre pacifique contre la dictature, qui a confisqué l’indépendance du peuple algérien.
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Aujourd’hui, le monde entier salue et rend hommage au pacifisme et à la maturité du peuple. Pourtant, il faut bien le rappeler, avant le 22 février 2019, le peuple algérien était pointé du doigt et l’Algérie fichée sur les listes noires par des capitales occidentales. Le peuple algérien s’est donné une nouvelle image, digne de lui et de ses ancêtres, tout au long d’une année de soulèvement pacifique, non-stop. On ne lui prête plus les mêmes clichés qu’avant. Décidément, le peuple algérien est en train d’écrire une nouvelle page de son histoire en lettres d’or.
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Qui aurait pu prédire, il y a une année de cela, que le peuple algérien, qui était alors dans une phase de stagnation politique, pour ne pas dire un coma ou une hibernation politique, se réveillera comme un seul homme en revendiquant une rupture radicale avec le système, né des séries de coups de forces, subit par l’Algérie depuis son ascension à l’indépendance. Tous les politiques, les experts, les labos du système ne s’y attendaient.
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Donc, personne n’avait vu venir ce Mouvement populaire ?
Saïd Khelil : Effectivement, on s’attendait à des crises politiques, économiques, sociales…etc, certains prédisaient même qu’elles seraient violentes, temporaires et spatiales. Cependant le Mouvement populaire vient de surprendre tout le monde, comme je viens déjà de le souligner dans la précédente question.
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Résister et lutter quotidiennement par tous les moyens pacifiques, allant des manifestations géantes jusqu’aux débats qui animent les foyers algériens, relève, faut-il le dire, d’un sursaut patriotique national. Le sursaut du peuple algérien est unique, et est cité comme exemple de par le monde, où les moindres crises se voient transformées en foyer de violences, en tout genre.
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Le 5e mandat de Bouteflika est-il la seule raison de la naissance du Mouvement populaire ou le Hirak, peu importe les noms qu’on lui prête, qui revendiquent une rupture radicale avec le système ?
Saïd Khelil : Je pense qu’il faut dire que ce Mouvement populaire, en dépit de son ampleur et ses spécificités des précédents, reste néanmoins le résultat inattendu des luttes antérieures du peuple algérien à commencer par le soulèvement du FFS en 1963 contre l’armée des frontières, en passant par le printemps berbère 80 et les événements d’Octobre 88, à la guerre civile des années 90. C’est-à-dire tout le long de ces luttes-là, avec leur lot de répression et de victimes, le peuple algérien a mené dignement et a su capitaliser, loin des chapelles politiques et appareils du système et tirer le bon grain de ses expériences. Il a compris que la violence, sous toutes ses formes, est l’arme des faibles et des dictatures. Un terrain où les règles démocratiques sont interdites. Mais, le peuple a compris que le seul, vrai dialogue et pratique politique relève du principe que chacun doit être à sa place: « Primauté du politique sur le militaire ». Une revendication formulée du fin fond de ses entrailles: « Pour un État civil mais pas militaire.»
Le Mouvement populaire d’aujourd’hui est-il lié aux luttes précédentes post-indépendance ?
Saïd Khelil : Heureusement. Au fait d’une manière ou d’une autre tout est lié. Conséquence aujourd’hui : le peuple souhaite un changement radical du système politique en vue de l’instauration de l’Etat de droit, un Etat Civil. C’est vrai on s’attendait pas à une telle ampleur, mais les événements sont liés et l’histoire nous rattrape.
Aujourd’hui, le peuple reprend le chemin de son histoire et réveille Abane Ramdane et fait tourner ses compagnons dans leurs tombes, dans toutes les rues algériennes. Régulièrement, les portraits d’Aït Ahmed, de Ben M’Hidi, de Krim Belkacem, d’Amirouche, d’Ali et toutes les icônes de la guerre de libération, femmes et hommes. Le peuple en a fait son évaluation pour ne pas dire son propre procès.
Mais, le mouvement populaire ne porte pas de projet et ne propose rien de concret au de-là des slogans, qui retentissent à travers les quatre coins de l’Algérie…
Saïd Khelil : Au contraire, le mouvement populaire propose un projet de société digne de lui. Au bout d’une année de combat pacifique, le peuple s’est donné lui-même les moyens de se réconcilier, de se parler, de se solidariser, de débattre de son identité, de son histoire, de ses erreurs et de ses acquis, mais aussi de son idéal.
Au bout d’une année de mobilisation permanente, le peuple s’est offert une formation politique généralisée. Le peuple algérien a fait preuve d’une maturité politique extraordinaire. Et il en a acquise loin des chapelles politiques et sécuritaires. Le système n’est pas dupe. Il sait qu’il a décidément face à lui un peuple politiquement mûr et déterminé à atteindre ses objectifs en dépit du temps qu’il doit y tenir et des obstacles à franchir.
Quand le peuple prononce haut et fort à travers tout le territoire national : « Etat civil pas militaire », « rupture avec tout l’ancien système », « fini le pouvoir des généraux », « pas de politique au nom de la religion », « plus de légitimité historique ou autre », « nous sommes tous amazigh », ne donne-t-il pas les contours d’un projet de société que l’élite se doit juste d’élaborer. Par conséquent, il faut dire qu’aujourd’hui, c’est au tour des élites politiques, intellectuelles, toutes catégories confondues, de synthétiser et cristalliser les slogans, les revendications, bref le discours du peuple, en projet de société. Le peuple a offert les axes de son projet de société, et il sait ce qu’il veut.
Du côté de la classe politique y a-t-il des propositions ou des réflexions pour accompagner le Hirak et traduire concrètement ses aspirations ?
Saïd Khelil : Heureusement. Il y a les camarades du Pacte de l’alternative démocratique (PAD), qui accompagne le mouvement et qui pose entre outre comme préalable pour un dialogue : « la rupture avec le système en place exige l’organisation d’une période de transition démocratique à même de satisfaire les aspirations légitimes du peuple algérien », « l’ouverture de la période de transition démocratique passe par la dissolution de toutes les institutions illégitimes », etc.
Il y a aussi la communauté universitaire, les syndicats, les intellectuels artistes, écrivains, etc. Chacun de son côté est en train d’apporter sa contribution. Et puis nous sommes à l’ère des nouvelles technologies, les Algériens se parlent entre eux et avec leur diaspora et en temps réel, c’est une nouvelle ère qui échappe au contrôle des dictatures en général. C’est un fait extraordinaire !
Les nouvelles technologies et les réseaux sociaux en général ont-ils influencé le cours du soulèvement populaire ?
Saïd Khelil : Mais bien sûr, il faut dire que les réseaux sociaux aujourd’hui sont un des moteurs principaux de la mobilisation et de l’organisation du mouvement populaire. Les réseaux sociaux (Facebook, Instagram et Twitter, etc. font office de tribune d’expression incontournable et incontrôlable).
Ni la censure, ni l’instrumentalisation et la répression des vieux médias, écrits ou télévisés, n’arrivent à concurrencer les réseaux sociaux qui offrent aujourd’hui aux citoyens à travers le monde entier de se connecter, de débattre, de se renseigner sur les différents évènements et en temps réel.
On ne matraque plus publiquement dans les manifestations sans qu’on soit aujourd’hui filmé et sur le champ tous les Algériens et le monde entier deviennent témoins, et à l’instant même. Aujourd’hui, l’Algérien n’est plus condamné à subir le discours officiel, il en fait fi même. Car il a sa propre tribune d’expression : des sites journalistiques, des groupes de rencontre et de réflexion, forum de débats, etc.
Cela dit, l’Algérien vit dans son temps, un temps de modernité et des nouvelles technologies. C’est dire que de par le monde les réseaux sociaux façonnent et accompagnent les révolutions des peuples et contrecarrent les discours officiels.
Entretien réalisé par Kamel Lakhdar-Chaouche
Source : Libre Algérie
Saïd Khelil : « Le hirak a proposé son projet de société », …..laique,….. « démocratique,… », « égalités égalitaires,… », « libertés totales des moeurs libertaires Libertines,…et des cultes bien sur , le prosélytisme comme solutions pour une société Dont une majorité est conservatrice, intellectuellement, « illétrée », Et d’une minorité, intellectuellement, « progressiste », avancée sur son temps, Et sur sa société,….. L’histoire, revient, avec « son échec recommencé » et « je me suis trompé de peuple,….. » En Algérie,Les luttes d’élites intellectuelles, occultent les luttes de classes, Avec un secteur tertiaire des services, de plus en plus prédominant, Supplantant les secteurs primaire de l’Agriculture, et le secteur secondaire de… Lire plus »