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Djamel Ferdjellah à DzVID : « Le Hirak appelle à une refondation de la scène publique nationale »
Dzvid poursuit sa série d’entretiens avec Djamel Ferdjellah, l’ancien numéro deux du RCD, qui nous parle du bilan d’une année de lutte et de combat du mouvement populaire.
DzVID : Une année déjà depuis que le Mouvement populaire s’est mis en marche pour s’opposer au 5e mandat et revendiquer une rupture radicale avec le système. Quel bilan en faites-vous ?
Djamel Ferdjellah : La Révolution citoyenne du 22 février vient de boucler sa première année de mobilisation ininterrompue. En effet, depuis le 16 février à Kherrata, cette ville martyrs qui a subi en même temps que Guelma et Sétif, le massacre de 45 000 algériens un certain 8 mai 1945, a été le lieu d’où est partie l’étincelle qui a provoqué l’embrasement généralisé du 22 février 2019. L’Algérie vient de connaître l’un des plus grands événements politiques majeurs de sa jeune histoire post indépendance.
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L’annonce de la candidature de l’ex-Président Bouteflika pour un 5e mandat a été l’élément déterminant qui a mis le feu à la poudrière. Le pouvoir n’ayant pas appréhendé à sa juste dimension l’état de déliquescence avancé dans lequel il a plongé le pays, a réussi malgré lui, à sortir de sa torpeur un peuple qu’on croyait gagné à jamais par l’apathie et la résignation.
Cette irruption citoyenne qui a surpris pouvoir et observateurs a fini par exacerber les contradictions latentes à l’intérieur du système. Ce qui n’a pas manqué d’aggraver les lézardes qui existaient entre les différents clans du régime.
Du coup l’ex-chef d’état-major, se sentant talonné par les tentations du cercle présidentiel à en faire un bouc émissaire à sacrifier sur l’autel de la paix civil s’était mis en ordre de bataille, brandissant la Constitution qui prévoit la déchéance du Président de la République en cas d’empêchement pour raison de santé. C’est donc en vertu de ce fameux article 107 que Bouteflika sera contraint à déposer sa démission.
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C’est ainsi qu’il a été mis fin à un règne autoritaire d’une famille qui a gouverné sans partage sur le pays. 20 ans de gabegie et de corruption viennent de connaître un premier aboutissement grâce à une détermination citoyenne sans faille qui a suscité l’admiration du monde entier. Et ce n’est pas le moindre des acquis de cette Révolution citoyenne. La période intérimaire incarnée par la présidence de Bensalah en tant que 2e homme de l’État, va voir son pouvoir éphémère largement érodé par l’omniprésence d’un chef d’état-major qui s’est autorisé tous les pouvoirs.
Parallèlement à l’embastillement des figures de proue de l’oligarchie et des dirigeants politiques les plus corrompus, une chasse aux animateurs du mouvement citoyen sera menée sans ménagement. Elle sera suivie d’une traque sans répit des militants porteurs de l’emblème Amazigh. Tous seront déférés devant des tribunaux qui les condamneront, en dépit de l’absence de textes juridiques signifiant l’interdiction, à plusieurs mois de prison. Rares étaient les juges qui feront preuve d’équité et de respect des lois en vigueur.
Entre temps, le pouvoir sera contraint et forcé par une mobilisation hors normes de reporter à 2 reprises sa décision d’organiser de nouvelles élections. La rue est resté déterminée à faire aboutir sa volonté de changement radical à savoir, le départ du régime policier et ses accessoires politico maffieux pour lui substituer une phase de transition, période à laquelle, il sera procédé à un processus constituant qui va mettre en place les jalons d’une nouvelle République.
Le pouvoir escomptait trouver dans le mois de Ramadan et la période estivale une heureuse opportunité pour affaiblir le Hirak. Malgré une décrue significative tout à fait prévisible, le mouvement reprendra de plus belle ses droits à la rentrée sociale pour atteindre le pic de mobilisation à l’occasion du 1er novembre, date anniversaire du déclenchement de la Guerre de Libération.
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Paniqué et sans perspectives, le pouvoir ouvertement incarné par l’état-major de l’armée, mettra en ordre de marche forcé un processus électoral qui désignera le futur Président de la République. En dépit d’une abstention record historique, Abdelmadjid Teboune sera intronisé sans gloire à la tête de l’Etat algérien.
C’est donc avec un Président dépourvu de légitimité et des institutions décriées que le peuple algérien affrontera l’année 2020 avec une volonté, plus que jamais affirmée, d’arrimer le pays vers les rivages d’une nouvelle République et sociale, telle qu’elle a été esquissée par le Congrès de La Soummam.
Le mouvement populaire, une année après, doit-il continuer ainsi sans s’organiser, sans projet affirmé positivement ? Pourquoi l’auto-organisation fait-elle défaut au Hirak ?
Djamel Ferdjellah : Il est inexact de considérer que le mouvement populaire est dépourvu totalement d’organisation, si telle était le cas, je ne pense pas qu’il aurait tenu jusque-là. Certes, il n’est pas structuré dans sa forme classique du style à le hiérarchiser en chefs et sous chefs, etc.
Mais il s’est donné une forme d’organisation inédite à la faveur des réseaux sociaux qui lui servent d’espace de débats et où sont lancées les différentes initiatives. Sur le terrain, on peut aisément constater l’enchaînement des carrés des marcheurs chacun incarnant une entité sociologue, une tendance politique ou bien une organisation syndicale.
Cependant, je vous concède qu’il existe une frilosité ambiante, rétive à la structuration de ce formidable potentiel populaire. Plusieurs raisons sont à l’origine de cette appréhension : il y a d’abord l’expérience des événements du printemps noir en Kabylie.
L’organisation de type « aarch » où les conclaves servaient d’instances délibérantes a montré ses limites, compte tenu de l’appréciation que s’est faite l’opinion publique kabyle sur les résultats des négociations qui avaient mis fin à la révolte.
Le « zaïmisme » et le culte des chefs ayant coûté trop cher à la perspective démocratique, d’aucuns appréhendent à raison d’ailleurs l’avènement de nouveaux messies qui viendraient dévoyer un formidable élan citoyen porteur de tous les espoirs.
Comme tout mouvement de type révolutionnaire, le Hirak algérien, dans son expression populaire, a tracé le sillon de son projet, à savoir le départ du système auquel il faut substituer une nouvelle République qui sera animée par des figures publiques qui ne se sont pas accoquinés avec l’ordre politique ancien.
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En outre, il est aisé de relever la référence récurrente à la déclaration du 1er novembre 54 et aux valeurs contenues dans la plateforme de La Soummam. La primauté du civil sur le militaire, référent essentiel de la pensée soummamienne, est massivement consacrée par l’appel à un État civil et non pas militaire. N’est-ce pas là, la meilleure preuve de la vitalité de ce mouvement aussi bien dans sa dynamique que dans sa doctrine !
Quelle lecture faites-vous de la question des détenus politiques et d’opinion ?
Djamel Ferdjellah : La question des détenus d’opinion est à appréhender en termes d’atteinte grave aux libertés démocratiques pourtant largement consacrées par la Constitution et les lois de la République. L’incarcération injuste de nos camarades est un signe tangible d’un système aux abois, irrémédiablement condamné par l’histoire. Il faut rendre grâce au mouvement citoyen d’avoir fait de leur libération une exigence patriotique et un impératif démocratique.
Qu’en est-il des anciennes organisations politiques, syndicales et de la société civile aujourd’hui en plein mouvement populaire et leur avenir ?
Djamel Ferdjellah : L’irruption citoyenne du 22 février pose, en effet, la problématique des organisations politiques, du mouvement associatif et des syndicats. En général, quand la rue s’empare massivement de l’expression politique, c’est non seulement le système qui est dénoncé avec force et détermination, mais en filigrane, c’est aussi une forme de disqualification de tous les instruments politiques et sociaux qui ne dit pas son nom.
En effet, si le peuple a décidé de prendre à bras le corps son destin, c’est le signe que les missions de représentation, de prise en charge et d’intermédiation assignés aux organisations de la scène nationale ne sont pas suffisamment assumées. En plus de l’exigence salutaire du départ du système, les évènements que connaît le pays postulent à un dépassement de la situation actuelle et appelle à une refondation de la scène publique nationale.
Pour certains observateurs, le système algérien a réussi à se recomposer en présentant une « façade politique » et en protégeant « l’arrière-chambre où se trouvent les commandes ». L’affaire du DG des Douanes ne révèle-t-elle pas cette triste réalité ?
Djamel Ferdjellah : Je ne suis pas persuadé que le système a réussi sa recomposition. Bien au contraire, le passage en force du 12 décembre qui a intronisé un Président envers et contre le peuple algérien, n’est pas de nature à lui garantir son salut. Je considère que cette fuite en avant a davantage contribué à mettre le système dos au mur et à le fragiliser, qu’à lui assurer la stabilité qui était la sienne du temps de l’ancien régime.
Justement le cas du DG des douanes qui a été relevé avant d’être reconduit le lendemain est la preuve que ce régime a perdu sa cohésion et l’équilibre de ses différents clans. Les coups de boutoir incessants de la Révolution citoyenne pacifique, menés par un peuple plus que jamais mobilisé, n’a pas permis le répit nécessaire au régime pour asseoir sa stabilité. Si bien qu’on se retrouve devant une équation, avec un régime à façade civile factice et un pouvoir réel incarné par le commandement militaire.
L’un ayant besoin nécessairement du concours de l’autre pour perdurer. L’épisode du Dg des douanes, une fois de plus, est le signe que ce binôme n’arrive pas à trouver son point d’équilibre.
Tandis qu’en face, la révolution citoyenne a plutôt gagné en cohésion et solidarité, après avoir fait, une année durant, la preuve de sa vitalité. Malgré les menée subversives du pouvoir à opposer les différentes composantes sociologique d’un même peuple, celui-ci a réussi à déjouer toute ces manœuvres, en lui opposant une synergie patriotique sans faille et une unité d’action qui renseigne sur la prise de conscience collective : Un sursaut patriotique salutaire qui a permis de conclure, que seul un peuple uni et solidaire peut venir à bout d’un système anachronique qui a pris le sens interdit de l’histoire. Désormais, rien ne sera plus comme avant.
Entretien réalisé par Kamel Lakhdar-Chaouche
Effectivement la scène publique et politique doit changer et se débarrasser des parasites hypocrites de votre acabit ! je ss assez étonner et déçu qu’un journal aussi sérieux que dzvid fasse de la pub a des opportunistes comme vous et vos acolytes comme Madjid Amokrane et M-S Khelladi etc, qui ont tjrs eu, d’une manière manifeste, une action tres négative sur le terrain politique locale.