Chronique
Ammar Belhimer, mon frère, est-ce le temps des ralliements ?
Longtemps, je t’ai demandé, sur l’air de la raillerie, “quand deviendras-tu ministre ?” et, invariablement, tu me répondais : “Nous sommes des survivants”. Aujourd’hui, je suis orphelin d’une certaine “aventure intellectuelle”…
Bien que la rumeur, maîtresse de l’info en nos contrées, te mettait en bonne place dans le premier gouvernement Tebboune, j’ai tout de même reçu la nouvelle avec énormément de surprise : Ammar Belhimer, mon ami, mon frère a rejoint notre ennemi commun, nos persécuteurs de toujours ! Désormais, c’est à toi qu’échoit la tâche de porter la parole de l’exécutif nouveau, issu d’un scrutin bricolé à la hâte comme tu le sais…
Ainsi, ton “avis politique” apporté au Panel avait un prolongement – “naturel”, disent les mauvaises langues – avec cette participation stupéfiante à la toute première équipe gouvernementale d’un Président mal élu, vomi par la rue comme tu as pu le constater en ce 46e vendredi.
Aux premiers temps du Hirak, j’étais heureux de voir réunies trois générations de Belhimer sur le kaléidoscope de la révolution en marche, celle dont nous rêvions follement pendant que nous mangions notre pain noir, alors que nous vivions moult infortunes. La Nation, Libre Algérie, Demain l’Algérie… n’étaient pas de simples titres de presse, mais des projets pour un autre pays ; prospère, libre et heureux. “L’Algérie de nos enfants”, rêvais-tu à haute voix… Entends-tu encore ce qu’ils réclament, à tue-tête, mon ami ?
Avant que tu ne disparaisses tout à fait des réseaux sociaux, tu montrais ton étonnement devant la désignation de Lamamra et Brahimi : “deux vieillards pour répondre aux attentes de la jeunesse” et, voilà que tu viens grossir les rangs de ceux qui ont cru, dans une sorte d’illumination, qu’ils pouvaient changer ce système, pourri, “de l’intérieur”.
Vas-tu, à la tête de ce ministère de tous les dangers, pouvoir stopper la distribution de la rente publicitaire à des médias adoubés par la “bande” ? Pourras-tu garantir que plus aucun journaliste n’ira visiter les geôles d’El Harrach ou d’ailleurs pour un simple “papier” ou une humeur balancée sur Internet ? Vas-tu, comme au temps du Mouvement des journalistes algériens, voler au secours de consœurs et de confrères dans la tourmente ? Les journalistes pourront-ils, sous ton ministère, créer des journaux sans attendre le précieux “agrément”, délivré en quelque officine occulte ? Résisterais-tu aux sollicitations impérieuses des rejetons de généraux qui s’improviseront communicants, voire éditeurs de presse ? C’est là un inventaire non-exhaustif de tous les traquenards que tu trouveras sur ton bureau ministériel si ton intention est de vouloir changer les choses. Mais, faut-il le pouvoir…
Si Ammar Belhimer, mon frère de lutte et de plume d’antan, qu’est-ce qui a bien pu te décider à franchir le Rubicon, toi qui, avec ta ruse de Sioux, te méfiais de toutes les chausses-trappes tendues sur ton chemin jusqu’ici ? Cela restera pour moi un grand mystère. J’ai bon espoir que ta fameuse formule jijélienne “arqedelha” ne signifie pas “s’aplatir”…
SAID KACED, ta plume est infiniment plus tranchante que toutes ces balles tirées sur des marcheurs du hirak qui ne demandent que plus de » libre Algérie » plus de » Nation » ou plus de » Liberte ». Ton ami Belhimmer ,à rejoint l’Algérie des » moins de liberte » , »des moins de Nation » et de moins d’expression. Chapeau bas .