Politique
Décès de Gaïd Salah : les funérailles ne sont pas des élections
Des funérailles, fussent-elles officielles et nationales, ne sont pas des élections, estime le politologue Lahouari Addi à propos de l’enterrement de Gaïd Salah.
Les Algériens ont hérité du combat anticolonial une illusion qui perdure : ils sont ou doivent être unis politiquement, c’est-à-dire qu’ils devraient avoir la même position en matière de gestion de l’Etat.
Les funérailles de Gaïd Salah organisées par le régime entretiennent cette illusion en voulant montrer que les Algériens sont unis derrière leurs dirigeants. Le message est que la mobilisation populaire des mardis et vendredis est une protestation minoritaire dans laquelle certains citoyens sont consciemment ou inconsciemment manipulés.
La réalité est que, comme toute société humaine, la société algérienne est divisée politiquement. Si l’on met de côté le clivage riches-pauvres ou gauche-droite, il y a dans l’opinion un clivage sur le rôle de l’armée. Les uns estiment que l’armée ne doit pas s’impliquer dans la politique, et les autres estiment qu’elle doit contrôler d’une manière ou d’une autre le champ politique.
Pour ces derniers, l’armée est la garante de l’intégrité du territoire national, mais aussi de l’intégrité de l’Etat menacée par les relais locaux de puissances étrangères. Cette vision sert de référence idéologique implicite au régime ; elle est probablement une croyance sincère chez certains citoyens, mais elle a attiré à elle tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont intérêt à ce que le régime ne change pas parce qu’ils en tirent des privilèges. Surtout que l’Algérie est un Etat rentier distributeur de richesses sur des bases de clans et de clientèles. La redistribution n’est certainement pas égalitaire, et certains ne ramassent que des miettes.
C’est suffisant pour qu’ils se sentent solidaires d’un régime dont ils constituent la base sociale. Mais attention : la population algérienne dans son ensemble bénéficie, d’une manière ou d’une autre, de la rente pétrolière ; cependant, la majorité veut mettre fin à ce système et une minorité, ayant peur du changement, et aussi par intérêts, s’y refuse. Les sondages d’opinion sont interdits en Algérie, et pour cause. Ils montreraient que la base sociale du régime ne dépasserait pas les 20% de la population.
Lors des funérailles de Gaïd Salah, le régime a mobilisé à Alger une proportion de cette minorité pour donner l’image d’un peuple uni soutenant le régime. Cependant, les funérailles, fussent-elles nationales et officielles, ne sont pas des élections, ni les manifestations des mardis et des vendredis.
En démocratie, la concorde nationale repose sur le respect de la volonté de la majorité victorieuse qui laisse à la minorité l’espoir de devenir une majorité par l’alternance électorale.
Le scrutin du 12/12 a montré que le régime a donné la majorité électorale à la minorité, ce qui a poussé le régime à transformer des funérailles en second scrutin pour cacher le vice politico-juridique qui prive le président formel de la légitimité populaire. Gaïd Salah a désigné deux fois Tebboune comme président : une fois avant sa mort, et une seconde fois après sa mort.
Lahouari Addi
Décès de Gaïd Salah : les funérailles ne sont pas des élections
Ce qui s’applique à l’un, s’applique aux autres: le hirek n’est pas une élection! Et surtout pas une majorité.