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Echec de la grève des magistrats : un coup dur pour le mouvement populaire !
Pour la première fois dans l’histoire de l’institution judiciaire, les juges ont paralysé les tribunaux par une grève nationale suivie par 98% des magistrats.
A l’illégalité de leur grève, les magistrats ont mis en avant la légitimité de leurs revendications. Confiant dans leur force, une fois réapproprié leur syndicat, et s’appuyant sur l’assentiment du peuple en lutte, ils ont de fait posé la question de l’indépendance de la justice comme soubassement à leurs revendications.
Après dix jours de confrontation durant laquelle ils ont acculé leur ministre de tutelle et fait peser de sérieuses menaces à la feuille de route du pouvoir, les juges ont fini par subir l’assaut brutal des forces de répression à l’intérieur même de leurs lieux de travail (Alger et Oran).
Les juges qui ont tenté de résister ont été agressés physiquement. Cette répression était prévisible à la suite du feu vert donné par le chef d’état-major de l’armée au ministre de la Justice, le premier novembre, « l’invitant à aller jusqu’au bout ».
Tandis qu’un sentiment d’indignation montait dans la société, le syndicat des magistrats, qui a déclaré rompre tout dialogue jusqu’au limogeage du ministre, a signé sa reddition le 5 novembre, en mettant un terme à sa grève et et provoquant le désarroi d’une partie importante de la base et la consternation de la population.
Dans cette bataille inégale contre le pouvoir, on ne peut qu’imaginer aujourd’hui le chantage et le degré de coercition utilisés contre le syndicat. Sa reddition, signée sans consulter la base, est maquillée par des promesses hypothétiques dont la concrétisation est conditionnée par son ralliement à la feuille de route du pouvoir. Cette évolution malheureuse de la grève engendrera de terribles conséquences sur les magistrats et un coup dur pour le processus révolutionnaire en cours.
En réprimant les juges, le pouvoir montre qu’il fait peu de cas de ces fonctionnaires transformés en bouc émissaire et en exutoire de toutes les frustrations qu’il a fait naitre parmi la population. Il nous rappelle que quand ses intérêts sont menacés, il sévit indistinctement contre tous les esclaves salariés. N’a-t-il pas réprimé les enseignants d’université, les médecins, les retraités de l’armée, les gardes communaux, les enseignants, les travailleurs de Sonelgaz, etc.
Le pouvoir n’est pas le seul à s’attaquer aux juges. Les chaines Bilad TV et Ennahar TV ont rapidement pris le relais. Des chaines que la population dénonce comme étant des canaux médiatiques de la contre-révolution. A-t-on jamais vu ces chaines dénoncer les juges quand ils déclaraient illégales les grèves des travailleurs ? Assurément pas. Jusque-là, c’est de bonne guerre. Ce qui est regrettable, c’est de voir des militants du mouvement populaire joindre leur voix à cette campagne de dénigrement, contribuant ainsi à répandre la confusion dans la tête des citoyens. Plusieurs arguments sont avancés pour banaliser, voir brocarder la grève des magistrats.
Les juges sont corrompus et font partie du pouvoir
« Il ne faut pas prendre l’apparence d’une chose pour la chose elle-même »disait Marx. La corporation des juges n’est pas homogène. Comme toute autre corporation, il y a ceux qui sont corrompus et ceux qui sont probes.
Le tribunal de sidi M’hamed qui s’acharne sur les détenus d’opinion ne doit pas être pris pour l’archétype de la corporation des juges. L’attitude de la présidente du tribunal d’Annaba qui a prononcé l’acquittement de Nadir Ftissi en lui restituant son emblème amazigh et en prenant soin de motiver son jugement est un exemple de courage et de probité morale. Idem pour la juge de Kolea qui a relaxé Karim Tabou et qui a fini par « être sanctionnée et mutée », ainsi que plusieurs juges de l’intérieur du pays qui ont prononcé des relaxes.
Si on est convaincus qu’on a affaire à un pouvoir militaire, d’où le mot d’ordre « dawla madania machi askaria », pourquoi s’étonner des condamnations que prononcent certains juges ?
A l’inverse, ne doit-on pas assimiler les verdicts de relaxe d’autres juges à des actes de résistance ? Tout le monde sait, ou doit savoir, que les juges sont des fonctionnaires chargés d’appliquer les lois que les représentants du peuple votent.
La corruption n’est pas la marque de fabrique d’une catégorie sociale quelconque. Elle est présente partout. C’est une pratique inhérente au régime néolibéral. Quant à la justice du téléphone, elle montre non pas la corruption des juges mais leur fragilité sociale et leur vulnérabilité face au pouvoir exécutif. C’est ce qui explique aujourd’hui leur tentative de s’émanciper de la dépendance du pouvoir à la faveur de cette révolution.
Il faut savoir que les juges ont tenté déjà de mener bataille pour l’indépendance de la justice en 2003/2004. Ils ont dénoncé à l’époque ce qu’ils appelaient « la justice de la nuit ». Une véritable purge s’est abattue sur leur syndicat, et son président, Mohamed Ras El Aïn, a été radié de la magistrature.
Les juges sont des privilégiés qui touchent des salaires mirobolants
Tout d’abord se sont des salariés. Ils sont donc aliénés comme le reste des salariés. Ensuite, en quoi sont-ils mieux nantis qu’un enseignant d’université, un ingénieur de Sonatrach, un pilote de ligne, un journaliste de la télévision… ? Ils n’ont pas de privilèges constitutionnels. Comme le reste des corporations, leur grille des salaires est élaborée sur le model hiérarchique où la promotion matérielle et sociale sert de stimulant et de chantage entre les mains de l’employeur. Leur grève, loin d’être de l’opportunisme socio-catégoriel, exprime une colère qui renseigne sur la précarité de leur situation, mais c’est aussi un sursaut de dignité en posant objectivement la question de l’indépendance de la justice.
Les juges font partie de la classe bourgeoise (l’oligarchie), ils n’ont rien à voir avec le peuple
Les juges font partie de la classe moyenne. Assurément, ils touchent des salaires plusieurs fois supérieurs à ceux des simples prolétaires. Leur niveau de vie les classe parmi la petite bourgeoisie de la ville. En tant que classe intermédiaire les juges jouent un rôle d’appoint dans la société. En temps normal ils concourent à assoir l’hégémonie de l’ordre social en vigueur (ici l’ordre bourgeois). Mais cela n’enlève rien au fossé qui sépare ces salariés de la classe capitaliste.
Dans le système capitaliste,ce n’est pas le niveau de revenu qui fait la classe sociale, mais la place occupée dans le procès de production. Même bien payés, ces fonctionnaires ne sont pas propriétaires de moyens de production, et ne vivent pas non plus de l’exploitation du travail d’autrui. Leur poids social et politique est considérable et il est indispensable à la grande bourgeoisie pour maintenir sa domination sur la société.
Pour autant, il n’est pas juste de les pousser dans le camp de la bourgeoisie. Voici comment Marx critiquait le programme de gotha de la social-démocratie allemande en 1875. Le programme affirmait : « L’affranchissement du travail doit être l’œuvre de la classe ouvrière, en face de laquelle toutes les autres classes ne forment qu’une masse réactionnaire ». Et Marx de répondre : «les classes moyennes… sont révolutionnaires… en considération de leur passage imminent au prolétariat. C’est donc une absurdité que de faire des classes moyennes, conjointement avec la bourgeoisie, une même masse réactionnaire en face de la classe ouvrière… Il s’agit donc ici simplement d’une impertinence et, à la vérité, une impertinence qui ne peut-être nullement déplaisante aux yeux de M. Bismarck ». En quoi consiste leur passage au prolétariat si ce n’est par la précarisation de leur situation et leur recours à la lutte de classe ?
Quand s’ouvre une période de révolution, les masses prolétariennes ne peuvent pas gagner seules la partie. Elles ont tout intérêt à attirer vers elles les classes intermédiaires pour s’assurer la victoire. L’issue de la révolution dépend de la position de la classe moyenne et petite bourgeoise par rapport à l’une ou l’autre classe principale (la bourgeoisie et le prolétariat). Retirer au pouvoir bourgeois ce pilier que représentent les classes moyennes c’est aider la situation révolutionnaire à muer en crise révolutionnaire.
Ceux qui se sont précipités à étaler leur joie devant l’échec de la grève des magistrats doivent savoir qu’ils se sont mis objectivement dans le camp du pouvoir. Ces gens ont perdu leur discernement et manqué à leur devoir de militant de tendre leur énergie intellectuelle et politique vers le renforcement du camp de la révolution.
Ils ont laissé leurs états d’âme et leurs sentiments individuels prendre le dessus et obscurcir leur vision. Dire que les juges sont tout le temps du côté du pouvoir, qu’ils sont son bras pénal, c’est semer l’amalgame entre l’institution judiciaire et les professionnels chargés d’appliquer la loi. Que dire de l’école, n’est ce pas une superstructure idéologique du pouvoir bourgeois ? N’est ce pas que l’école à formaté des générations entières, qu’elle produit des terroristes et des analphabètes, mais pas que, bien sûr ? Doit-on pour autant condamner les enseignants et les rendre responsable de l’échec ? Lorsque les enseignants font grève les a-t-on rejetés dans le camp du pouvoir ? A-t-on jamais condamné leurs actions de protestation ? Que dire encore de la religion, n’est ce pas une autre superstructure idéologique de l’ordre bourgeois ?
Et pourtant, les imams ont rejoint la révolution et dénoncé les prêches à la carte que leur imposait leur tutelle. Leur participation organisée à la marche du mois d’avril dernier, à l’appel de la CSA, a été saluée par les citoyens. Lorsque les imams ont organisé un sit-in de protestations au mois de juillet réclamant l’amélioration de leurs situations, les a-t-on dénoncés d’être des relais du pouvoir ? La bourgeoisie crée ses propres fossoyeurs économiques mais aussi idéologiques. Mais la lutte des classes n’est pas chimiquement pure, elle nait des entrailles du système capitaliste, chargée des préjugés et des tares de l’ordre social bourgeois.
Voici comment raisonne Trotsky dans ou va la France 1936, alors que pesait la menace fasciste. « Le fascisme ne peut devenir une force de masse qu’en conquérant la petite bourgeoisie… Il ne faut pas en conclure que la classe ouvrière doive tourner le dos à la petite bourgeoisie et la laisser à son malheur. Non, se rapprocher des paysans et des petites gens des villes, les attirer de notre côté, c’est la condition nécessaire du succès de la lutte contre le fascisme, pour ne pas parler de la conquête du pouvoir […]Pour gagner la petite bourgeoisie, le prolétariat doit conquérir sa confiance ».
Les magistrats n’ont pas rompu leur mouvement de grève parce qu’ils ont obtenu des augmentations de salaire. En réalité ils n’ont obtenu que des promesses hypothétiques. La grève des magistrats a échoué du fait de la faiblesse du mouvement populaire qui n’est pas suffisamment fort pour rassurer ceux qui ont le pistolet sur la tempe. En ce sens ce n’est pas l’échec des magistrats mais la faiblesse de la révolution. La grève de mars qui a précipité la chute de Bouteflika a laissé des traces. Les travailleurs qui ont été sanctionnés par leurs employeurs n’ont pas reçu de solidarité de la part de la révolution. Les détenus qui ne reçoivent pas de solidarité matérielle de la part de la révolution, cela signifie que la révolution ne protège pas assez ses enfants. Ceux qui font dans la glorification du mouvement concourent à sa ruine. Contrairement aux apparences, il y a moins de mobilisation par rapport aux premiers mois et pas d’organisation. L’université ne joue plus le rôle de locomotive, les commerçants ne se mobilisent plus. Les scènes de fraternisation de la police avec le mouvement au début de la révolution ont totalement disparu. Le pouvoir a vite fait de reprendre la main. La révolution n’a pas assez d’autorité morale. Elle n’incarne pas encore cette force qui renversera le pouvoir actuel, d’où l’impossibilité de gagner l’adhésion des classes intermédiaires ainsi qu’une partie des forces de sécurité indispensable pour la création d’une dualité de pouvoir. La démarche à suivre, c’est de faire des élections du 12 décembre qui polarisent la situation un levier de circonstance pour sonner le rappel des forces sociales et populaires et impulser un travail d’organisation pour donner un nouveau souffle à la révolution.
La seule voie salutaire pour gagner la bataille à court terme c’est de s’atteler à la construction urgente de la grève générale ouvrière, en gagnant au camp de la révolution les classes intermédiaires qui ne veulent plus de ce pouvoir.
Hocine
Source : site du Parti socialiste des travailleurs (PST)
on a un tout petit probleme(MOTAGNE HIMALAYA n´est qu´une moustique) actuellement en algerie.oulach amekhsa.