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Espagne/législatives : l’extrême droite franquiste, 3e force politique
Les socialistes du PSOE gagnent les élections, mais n’obtiennent pas la majorité absolue. Le parti d’extrême droite Vox a plus que doublé son score du mois d’avril et devient la troisième force politique du pays.
Le résultat de ces élections augure d’une poursuite de l’instabilité politique.
Vox, le parti d’extrême droite, nostalgique du règne du dictateur Franco arrive en 3e position dans ces législatives qui augurent de la poursuite de la paralysie politique. Le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez est arrivé dimanche en tête mais n’a pas amélioré ses chances de gouverner. Après le dépouillement de près de 100% des bulletins de vote, le Parti socialiste (PSOE), qui espérait obtenir une majorité claire pour mettre fin au blocage politique, ne compte plus que 120 députés contre 123 après le précédent scrutin, en avril.
Le scénario se répète : pour la deuxième fois en six mois, les socialistes se retrouvent loin des 176 sièges nécessaires pour former un gouvernement stable. Un coup d’épée dans l’eau. Le deuxième parti est le Parti populaire, qui améliore son score par rapport à sa déroute du scrutin d’avril dernier. Les conservateurs du PP obtiennent 88 sièges, contre 66 aux législatives d’avril.
Le parti de l’extrême droite Vox, fondé il y a cinq ans, marginal il y a encore un an, arrive troisième et double son nombre de sièges. Vox obtient 52 députés, contre 24 lors des précédentes élections en avril. Il aurait bénéficié de l’émoi suscité par la crise en Catalogne, qui a dominé la campagne marquée par plusieurs nuits de violences, suite à la condamnation mi-octobre de neuf dirigeants indépendantistes à de lourdes peines de prison pour la tentative de sécession de 2017.
« L’unité nationale et le rétablissement de l’ordre constitutionnel »
Avec un score de 15% des suffrages, Vox a donc gagné un million d’électeurs, décompte notre envoyée spéciale Juliette Gheerbrandt. Ces derniers mois, au prix de nombreuses concessions programmatiques, cette formation a permis au Parti populaire et à Ciudadanos – le parti centriste qui s’effondre à 10 sièges contre 52 il y a six mois – de prendre le pouvoir à Madrid, mais aussi dans la région de Murcie et en Andalousie, un bastion historique des socialistes.
Devant des militants venus nombreux fêter la percée, son président Santiago Abascal s’est félicité que Vox ait réalisé la plus fulgurante ascension politique de l’histoire démocratique de l’Espagne : « Je crois que nous pouvons être très satisfaits, au-delà des incertitudes que le futur nous réserve, parce qu’aujourd’hui une alternative patriotique et sociale s’est affirmée en Espagne ».
Et d’énumérer : « Une alternative qui demande l’unité nationale et le rétablissement de l’ordre constitutionnel en Catalogne, en appliquant nos lois de façon implacable ; qui demande l’égalité de tous les Espagnols sur l’ensemble du territoire national, en exigeant la transformation du statut des régions autonomies, anti-égalitaire et liberticide ; qui demande la concorde face aux vieilles haines que certains veulent réveiller. »
Si Vox a récemment progressé, ce serait notamment à cause des manifestations qui ont suivi la condamnation des dirigeants séparatistes à de lourdes peines de prison. Les séparatistes qui, précisément, sortent légèrement renforcés du scrutin, ce qui va encore compliquer la résolution de la crise catalane. Les fils du dialogue seront en effet encore plus difficiles à renouer à Barcelone.
Mais Vox « demande aussi des frontières sûres face à l’immigration illégale », « la défense de la famille et de la vie face au relativisme », « et bien entendu qu’on prête attention à l’urgence sociale ». « Des millions d’Espagnols sont en difficulté, et ils voient avec perplexité les affrontements sectaires des partis politiques, ils voient avec perplexité ce qui se passe en Catalogne et ils ne comprennent pas », analyse le dirigeant d’extrême droite.
« Appel à tous les partis politiques sauf à ceux qui s’excluent »
Pendant la campagne, le socialiste Pedro Sanchez a tenté de mobiliser son électorat contre la montée de Vox, qu’il présentait comme un retour du franquisme, en dénonçant la droite qui n’a pas hésité à s’allier avec ce parti pour prendre le contrôle de l’Andalousie, la région plus peuplée d’Espagne, de la région de Madrid, la plus riche, et de la mairie de la capitale. Il ne semble pas avoir été entendu.
Au terme des résultats définitifs, l’Espagne semble être un pays moins gouvernable que jamais. Et l’on voit mal aujourd’hui quelles peuvent être les possibles alliances pour former un gouvernement stable. Même si le socialiste Pedro Sanchez s’entendait avec le chef de Podemos Pablo Iglesias, cela ne lui donnerait pas une majorité suffisante à l’Assemblée.
« J’aimerais lancer un appel à tous les partis politiques, car ils doivent agir avec générosité et responsabilité pour débloquer la situation politique en Espagne, a réagi le président du gouvernement sortant. Le Parti socialiste lui aussi s’appliquera à débloquer cette situation avec générosité et responsabilité. La démocratie nous a appelés aux urnes aujourd’hui, elle nous appelle à partir de demain à sortir du blocage tous partis confondus, et elle appelle à un gouvernement progressiste dirigé par les socialistes. »
« Je dois vous dire que je m’engage à ce que cette fois, oui, oui et encore oui, nous réussissions à mettre en place un gouvernement progressiste, martèle Pedro Sanchez. Et pour cela, nous allons mettre fin à la paralysie du pays. Notre appel ne dépend pas que du PSOE, les Espagnols nous ont dit aujourd’hui dans les urnes qu’il dépendait de formations politiques différentes. Mais nous en appelons à tous les partis politiques sauf à ceux qui s’excluent eux-mêmes du vivre ensemble et qui sèment un discours haineux et antidémocratique. »
Le phénomène est très préoccupant, alors que le pays vit de façon très instable depuis 2015, avec quatre élections qui n’ont abouti qu’à des exécutifs fragiles et minoritaires. La répétition électorale n’a fait qu’empirer la situation et provoqué une immense lassitude de l’opinion publique, relève notre correspondant à Madrid, François Musseau. Outre les conservateurs, ce sont surtout les populistes d’extrême droite qui réveillent les fruits de cette fatigue et de cette colère. RFI