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Le 17 octobre 1961 : un crime de l’Etat français
Le 4 octobre 1961, la Préfecture de police de Paris impose aux Algériens l’interdiction de sortir après 20 heures. Le mardi 17 octobre 1961, répondant à un appel du FLN, des dizaines de milliers d’Algériens manifestent pacifiquement contre cette mesure ségrégationniste.
Les consignes données par le FLN (Fédération de France) aux manifestant sont formelles : pas d’armes, pas de violence, ne pas répondre aux provocations de la police. A partir de 20 heures, les Algériens affluaient des banlieues parisiennes (Bidonville de Nanterre, notamment) vers le centre de Paris. Tout se passait dans le calme jusqu’à 21h30, quand soudain des premiers coups de feu sont tirés par la police au niveau du Boulevard Bonne-Nouvelle. Trois morts froidement tués. C’est le départ d’une longue nuit sanglante.
Plus loin, les CRS bouclent les 2 côtés du pont de Neuilly, une centaine d’Algériens qui se trouvaient là sont jetés à la Seine.
Des dizaines de milliers d’Algériens sont pris au piège, il y a partout dans Paris des morts par balles. Des milliers d’Algériens sont emprisonnés dans des centres de détentions réquisitionnés à cet effet (Palais des sports, Stade Coubertin, Parc des expositions…). Des semaines plus tard, on continue de trouver des corps, défigurés dans la Seine jusqu’en Normandie.
Le lendemain, le Préfet de police, le criminel Papon, dans un mélange de cynisme et de cruauté bestiale, déclare : « La police parisienne a fait tout simplement ce qu’elle devait ».
L’historien Jean-Luc Einaudi nous rappelle que dès le début septembre, des corps inanimés d’Algériens flottaient sur la Seine et le canal Saint Denis. Certains d’entre eux avaient les mains liées dans le dos.
Dès l’indépendance, l’Etat français décide d’amnistier tous les délits et crimes liés à la guerre d’Algérie. Pire, en ce qui concerne le massacre du 17 octobre 1961, on passe tout simplement de l’amnistie à l’amnésie organisée. Selon plusieurs enquêtes, des pièces d’archives essentielles et des fonds entiers nécessaires pour établir la vérité sur cette répression meurtrière ont disparu.
Le discours officiel en France a occulté ce crime d’Etat, le jetant dans les abysses de l’oubli. Certes, il y’a eu la déclaration du Président Hollande en 2012 : « La République reconnait avec lucidité ces faits ». Un pas très timide, loin des attentes légitimes du peuple algérien et des associations et personnalités françaises qui luttent depuis des années pour établir la vérité, toute la vérité sur les responsabilités et le nombre de victimes. Cela passe par une reconnaissance officielle de la France et la condamnation de ce crime d’Etat.
Nous ne pouvons parler de cette nuit tragique sans rendre hommage aux associations, historiens, universitaires et militants français qui se sont engagés aux côtés des Algériens dans ce combat pour la vérité, à l’exemple de «L’Association 17 octobre 1961 : contre l’oubli ».
Un hommage particulier à l’historien Jean-Luc Einaudi qui, par ces livres et écrits et un combat opiniâtre, a contribué de façon magistrale à sortir cette journée de l’oubli.
Abbes Hamadene