Chronique
Ahmed Gaïd Salah, la tentation du pire
Dans nos chaumières, jadis, une version domestique de la légende du grand méchant loup – waghzen, tenait en éveil les adultes parmi nous : l’ANP, pâle héritière de l’ALN, détiendrait le véritable pouvoir.
Nous comprenions ainsi pourquoi la « primauté du civil sur le militaire », résistant vaille que vaille à la patine du temps, était devenu un slogan, creux, destiné à la consommation interne, en particulier les légions de laudateurs, fidèle clientèle du Système prévaricateur. Les rédacteurs de la plateforme de la Soummam, exécutés ou exilés par la « bande », il était loisible à la junte de mettre sous le boisseau cette généreuse profession de foi.
Depuis le 22 février, la parole de la Grande muette devient prodigue. Ahmed Gaïd Salah, ci-devant chef d’état-major de l’armée, intervient, de manière intempestive, dans le débat public. Ses vociférations, embrassant des domaines pluriels, pourraient prêter à sourire si elles n’étaient pas accompagnées de décisions lourdes, frappées du sceau d’une justice aux ordres, si l’on n’évoquait que l’embastillement de Lakhdar Bouregaa, un illustre commandant de l’ALN (tiens, tiens!), et la mise « hors d’état de nuire » de porteurs de l’emblème amazigh, de « dangereux » comploteurs contre l’unité nationale.
Celui qui a soutenu à bras le corps les vingt funestes années de gouvernance de Bouteflika s’est découvert une âme de redresseur de torts et s’en va, sabre au clair, pourfendre des corrompus et des corrupteurs, capturés essentiellement parmi les zélateurs de l’ancien autocrate.
Derechef, AGS, un acronyme synonyme de la tentation du pire, paraît lancer le vaisseau Algérie contre quelque récif, dans un effort désespéré de sauver le reste de la « bande », celle qui sévit depuis des décennies, mais surtout protéger son clan qui pourrait subir les mêmes foudres que celles qu’il fait subir, avec un rien de délectation, à d’anciens « maîtres de l’Algérie ».
AGS sait, mieux que quiconque, lui qui a atteint un âge vénérable, qu’un départ à la retraite, à ce niveau de commandement, signifie la chute inéluctable. Lui qui a introduit à la télévision l’arrestation en direct, redoute, plus que jamais, une fin déshonorante. Pour éviter pareille infamie, il préférera mettre le pays à feu et à sang. C’est à cela qu’on reconnaît un futur général-Président…
Saïd Kaced