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Politique

De la culture du dialogue : lettre à Karim Younès !

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Hachimi Arab revient dans cette lettre à Karim Younès, le chef de l’instance de dialogue et de médiation, sur la culture du dialogue.

Monsieur Karim Younès,

Je ne vous connais pas personnellement, je me réserve le droit de réponse de ce citoyen, qui depuis le soulèvement populaire manifeste pacifiquement, que vous aviez accusé lors de l’une de vos sorties médiatiques, ceux refusant votre dialogue, de vouloir mettre à feu et à sang le pays.

Je suis convaincu que votre dialogue maison n’est qu’une énième tentative visant à détourner les revendications légitimes du peuple algérien. Je vous rassure, je ne veuille que le meilleur pour mes enfants qui n’ont pas de pays de rechange.

Les seuls souvenirs qui me reviennent à l’esprit, au moment où les médias annoncent votre retour aux affaires politiques, après votre traversée littéraire, sont ceux de mes 22 printemps, une période où de jeunes Algériens se faisaient tuer par des balles algériennes. Une période qui ne peut s’oublier si facilement. Personnellement, j’œuvrerai avec tous les moyens pacifiques en ma possession pour que l’avenir de mes trois enfants ne soit pas compromis !

Un ami commun me fait savoir que vous êtes cette personne intègre et crédible, que les tenants du système ont mise au placard à la suite d’un différend politique et éthique.

J’avoue que vous avez presque fini par avoir un minimum de ma sympathie. Bien sûr, du point de vue humain. Quant à la démarche dans laquelle vous vous êtes inscrit, que j’estime incohérente avec les véritables aspirations démocratiques, elle ne peut malheureusement répondre à mes attentes citoyennes et au bon sens politique et éthique.

Monsieur Karim Younès,

Mon indignation est liée à ce mépris que vous avez exprimé à l’égard de la volonté de tout un peuple, qui a rejeté deux mascarades électorales deux fois de suite. Lors de vos sorties filmées par les médias privés, vous accusiez à tort les non dialoguistes, sans même prendre le temps de comprendre leurs motivations. Aussi, vous aviez choisi un mode de communication peu commode, répondant de manière colérique, en usant d’un langage « violent » à l’adresse de personnes qui se sont attaquées à votre personne et à votre famille.

L’important ne réside pas dans le contenu du clash, mais dans votre posture qui reflète réellement votre positionnement, en avouant que vous et vos proches êtes marginalisés depuis 17 ans.

Ceux qui avaient été derrière votre marginalisation sont aujourd’hui derrière les barreaux. Pathétique manière de faire de la politique, en vous mettant du côté des bourreaux de vos bourreaux !

L’adage selon lequel « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » n’est pas de mise dans ce contexte révolutionnaire et est en inadéquation avec les revendications du peuple qui veut un changement global et radical. Car il vous faut comprendre que « les ennemis de vos ennemis » sont indissociables de cet ensemble.

Il se trouve que tout ce beau monde a participé de manière ou d’une autre à marginaliser le peuple depuis la confiscation de son indépendance.

Avoir de la cohérence, c’est comprendre ce que l’on fait et pourquoi on le fait. Vous organisez un dialogue avec une classe politique qui, au lendemain du soulèvement populaire, reconnait son échec devant la conscience collective, le pacifisme et le degré de maturité d’un peuple à qui votre gouvernement avait interdit toute manifestation publique.

Le 16 février, depuis Kherrata et Khenchela, la jeunesse s’est révoltée pour dire non au mandat de la honte. Une révolte qui s’est vite transformée en révolution pacifique balayant, à compter du 22 du même mois, l’ensemble du territoire national, laissant place à un éveil politique sans précédent et à une solidarité citoyenne collective extraordinaire.

Vous connaissez sûrement les principales revendications réclamant un changement radical du système politique, pour une réelle alternance au pouvoir comme principe fondateur et républicain. Vous devriez savoir aussi, sans aucun doute, que les manifestations regroupent depuis le début trois composantes fondamentales et essentielles de la société algérienne :

• La jeunesse qui aspire à un avenir meilleur et veut avoir les chances de réussir son algérianité chez elle, sans partir chercher la reconnaissance sous d’autres cieux.

• La femme, comme digne héritière de « Lala Fadhma n’Summer » et des Moudjahidates de la révolution, aux côtés des hommes, pour perpétuer ce combat égalitaire.

• Enfin, les laissés-pour-compte, ce pan de la société que ceux d’en haut ne prennent en compte que comme un sous-ensemble indéfini. Ce sont eux qui se sont révoltés en quête d’une véritable justice sociale.

Pourquoi ?

Le cas de l’effondrement partiel du bâtiment en avril dernier, dans la Basse Casbah, à Alger, laissant derrière un bilan macabre de 05 victimes, doit servir de leçon. Les politiques de ravalement de façade et le replâtrage esthétique ne constituent point les solutions ! La marginalisation et l’isolement du peuple algérien dans les affaires politiques et celles relatives à la gestion des affaires de sa cité ne remontent pas dans le temps à 2004, mais à différentes périodes plus lointaines et charnières de l’histoire de notre si jeune nation.

– Le premier coup de force exercé contre sa volonté, l’incitant à scander (07 ans Barakat), était le premier tournant que l’Algérie avait pris au lendemain de son indépendance, menant à la révolte de septembre 1963-1965, dont les orphelins et veuves n’ont pas encore recouvré leurs droits.
– Les évènements du Printemps berbère, avec leur lot d’arbitraire et de déni identitaire, qui perdurent encore aujourd’hui, les jeunes incarcérés sont la démonstration de trop.
– Une jeunesse assassinée par balle, au lendemain des manifestations du 05 Octobre 1988.
– La guerre faite aux civils, au lendemain de l’arrêt du processus électoral, un lot ayant couté la vie à plus de deux cent mille algériens, des millions de déplacés. Des disparitions forcées, les familles réclament encore aujourd’hui la vérité sur le sort réservé à leurs enfants. Savez-vous que les mères et les proches des disparus tiennent des rassemblements hebdomadaires à Alger dans l’espoir de pouvoir faire un jour leur deuil ?
– 128 jeunes assassinés en 2001 en Kabylie ! Leur seul tort est de s’être révoltés contre le crime abominable dont a été victime Guermah Massinissa !

Une amnésie généralisée a été imposée par le mensonge de l’Etat, la propagande, la corruption, l’instrumentalisation de la justice, la machination des appareils visant à étouffer toute voix discordante.

A cela s’ajoutent l’assassinat de la vie politique, la déstructuration du tissu associatif, l’industrialisation de la distribution de la drogue ciblant une jeunesse, ne voyant de salut que dans la fuite même à bord d’embarcations de fortune.

Le déni de justice et de vérité a été rattrapé par « Anza ». Février 2019 est le mois où les morts se sont alliés au peuple algérien, réanimant cet esprit révolutionnaire pour dire arrêtons de faire de l’Algérie ce monstre qui dévore ses propres enfants ou cette vache laitière dont tirent profit une maffiocratie minoritaire soutenue par l’ancienne puissance coloniale et des lobbys étrangers.

En effet, ce sont ces Algériennes et Algériens qui ont entendu et compris l’appel, « Anza » des Abane, Lotfi, Krim, Khider, Mécili, Boudiaf et tous les martyrs tombés pour que l’Algérie soit cette République démocratique et sociale dont ils rêvaient, et qui ont pris le flambeau du serment de Novembre et des résolutions du congrès de la Soummam.

L’issue ?

« La perte de légitimité d’un régime autoritaire, tant institutionnelle que gouvernementale, complétée par la naissance d’une véritable alternative politique crédible, jouissant d’une forte légitimité populaire ».

La véritable solution consiste à enclencher une dynamique politique permettant une issue historique et révolutionnaire à la crise multidimensionnelle, par un dialogue inclusif sur les modalités d’amorcer une véritable transition démocratique négociée, qui s’inscrira dans l’édification d’un Etat algérien moderne, de droit et de justice sociale. Ce n’est certes pas facile mais pas impossible.

Pour reprendre la citation du Che « Quand le chemin est difficile, la difficulté devient le chemin. »

Mécanismes et perspectives :

Les mécanismes consistent à créer ce climat de confiance entre Algériens, pour dialoguer sereinement sur le devenir d’une nation, par des mesures :
– La libération immédiate, sans condition, des détenus d’opinion, notamment les jeunes.
– L’ouverture des champs médiatique et politique par la levée des restrictions administratives interdisant les rassemblements publics.
– La levée du bouclier sécuritaire sur la capitale, l’arrêt du harcèlement des militants politiques associatifs, et du mouvement citoyen.

Le génie populaire saura inventer les voies du changement vers une Algérie Nouvelle, par des institutions de transition qui seront en charge de la gestion des affaires de l’Etat durant une période la plus courte possible.

– Commission nationale de suivi et de contrôle de la transition, composée de trois à cinq personnalités nationales.

– Agréant les personnalités devant siéger dans un gouvernement de transition.

– Elaborer le dispositif électoral, ainsi que la fixation du calendrier dans sa globalité dont l’Assemblée nationale constituante comme première étape.

Pour vous dire, au final, ce n’est pas parce que ma propre jeunesse a été prise en otage par le couvre-feu des années 1990 et la sécheresse politique des 20 dernières années que je ne peux braquer mon regard sur l’avenir, un avenir qui réalisera l’idéal de l’Algérie démocratique et plurielle, ouverte à toutes les Algériennes et Algériens.

Un citoyen.

H. A.

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