Politique
C’est au peuple de contrôler la transition
Le mouvement populaire algérien qui dure depuis le mois de février est en train de démontrer, par sa longévité et son pacifisme inédits, que sa détermination à venir à bout du régime finissant et de réaliser la rupture radicale avec cette bande et son chef Gaid Salah est toujours intacte.
Toutes les ruses utilisées par le pouvoir mafieux pour dévier le mouvement de son chemin et le diviser pour l’affaiblir n’ont pas survécu à l’épreuve de la rue. Isolé dans sa tour d’ivoire, loin des préoccupations du peuple, louangé par les médias soumis et les clientèles traditionnelles, le pouvoir réel cherche à se donner une fausse légitimité et engager un processus qui mènerait à des présidentielles dont l’unique but est d’étouffer la contestation et de réhabiliter le régime.
Le dialogue, une autre manœuvre de la « Issaba »
Acculé par la rue qui a mis en échec toutes ses initiatives, le pouvoir consent à organiser un simulacre de dialogue. Cette dernière trouvaille du régime consiste comme toutes les précédentes à trouver une voie pour se sortir du gouffre où la mobilisation l’a jeté. Le dialogue peut, à priori, paraitre comme un moyen de trancher des conflits et de trouver des issues à des crises, mais dans le cas qui nous concerne, on est loin du compte.
En effet, le pouvoir établit le cadre du dialogue, désigne les personnalités pour le mener et surtout fixe l’objectif final de cette initiative, à savoir l’organisation des présidentielles. Peut-on appeler cela un dialogue? Le peuple n’est pas dupe et a rejeté de façon nette la commission ‘’Younes’’ chargée de chapeauter cette opération. Cet autre obstacle placé sur chemin de la mobilisation n’a pas résisté à l’épreuve de la rue. Comme toutes les précédentes manœuvres, ce énième coup de poker de Gaid Salah a été savamment déjoué. Peut-on concevoir un dialogue sérieux avec les tenants du pouvoir, alors que des dizaines de citoyens croupissent dans les prisons de la junte ? Peut-on faire confiance à ceux-là qui ne ratent aucune occasion pour étrangler Alger afin d’empêcher le peuple de prendre part aux manifestations des mardis et surtout du vendredi ? La réponse par la négative à ces deux questions est évidente.
Gaid Salah et l’état-major coercitifs et dangereux
L’état-major de l’armée qui est le véritable pouvoir depuis la mise hors d’état de nuire de Bouteflika a été constant depuis le début de la contestation. Habitué à l’affrontement violent et à la répression, il se retrouve désarmé et surtout désorienté face à la stratégie de la rue. Le pacifisme des manifestations, devenu une véritable doctrine du mouvement révolutionnaire, a fini par dérouter les tenants du pouvoir qui ne savent comment réagir face à cette mobilisation. La mise en avant de Gaid Salah, un pantin à la solde de Bouteflika, resté passif devant toutes les dérives qui ont failli remettre en cause l’existence même du pays n’a pas aidé.
Campé sur les mêmes positions depuis la démission forcée de Bouteflika, ne ratant aucune occasion pour les galvauder, il a fini par dresser toute l’Algérie contre lui. La rue continue à se mobiliser massivement, malgré les canicules et les vacances et affiche de façon claire son hostilité face à cet apprenti dictateur. La répression et les intimidations, mais surtout les arrestations abusives et arbitraires des jeunes portant le drapeau amazigh et celle de l’ancien combattant Bouregaa ont été un tournant. La conscience politique des algériens pendant ces six mois de mobilisation a connu une évolution exponentielle. On a appris à débattre, à argumenter, à s’écouter et dans une moindre mesure à s’organiser. Cela constitue un acquis essentiel du mouvement, mais surtout une menace à l’encontre du pouvoir. Ce dernier est dans l’impasse, et les discours de plus en plus décousus et confus de Gaid Salah en sont la preuve. Il continue à parler de son soutien à la mobilisation, ce qui est d’une absurdité inouïe alors qu’il ne rate aucune occasion pour étouffer la protestation et au moment où les médias qui lui sont inféodés mènent tambours battants une propagande ignoble contre les acteurs du mouvement.
Le même Gaid Salah n’arrête pas de nous parler de la « Issaba » (la bande) qu’il prétend démanteler, alors que tout le monde sait qu’il en était l’un des piliers et que ces arrestations opérées ne sont qu’une stratégie dont l’unique but est de sauver le régime. L’expérience égyptienne parle beaucoup aux Algériens. Une fois la rue vaincue et le régime sauvé, tout deviendra comme avant avec, çà et là, quelques changements cosmétiques.
Seule une période de transition sous le contrôle du mouvement populaire peut concrétiser la rupture
Le dialogue de Karim Younes qui est e train de remettre en scelle les clientèles de Bouteflika et les soutiens à ses différents mandats ne peut être une réponse sérieuse à cette lame de fond qui a libéré les algériens. Trop peu, trop tard. Avec six mois de mobilisation, le mouvement a gagné en maturité et a surtout compris qu’il détient là une chance inouïe pour se libérer des griffes de ces mafieux qui l’ont opprimé et spolié depuis l’indépendance.
Nous ne pouvons imaginer d’élections avec les mêmes fraudeurs. Le chef du gouvernement actuel étant un expert en la matière. L’administration à tous les niveaux a organisé ou a cautionné les fraudes massives des 20 dernières années. Elle n’a aucune légitimité pour organiser des élections. De plus, organiser des élections, dans les meilleurs délais, comme le réclament le pouvoir et ses soutiens ne peut profiter qu’aux forces du pouvoir et de l’argent sale. Le peuple en lutte réclame, à juste titre, une période de transition qui sera dirigée sous son contrôle par des gens qu’il aura désignés et cautionnés et avec une feuille de route précise qu’il aura préalablement établie.
L’état des institutions que nous avons et la Constitution mille fois triturée donnant au président des pouvoirs monarchiques exigent l’élection d’une Assemblée constituante souveraine qui rédigera une nouvelle Loi fondamentale qui concrétisera les aspirations démocratiques et sociales du peuple.
Ce dernier choisira également s’il est prêt à accepter un régime présidentiel dont il a subi les affres depuis des décennies ou opter pour un régime plus représentatif. Dans tous les cas, la protestation doit se maintenir, s’amplifier et trouver des moyens d’exercer la pression nécessaire pour mettre à genoux ce régime.
M. Arroudj