Chronique
Qui voit son rêve dans le mien, me suive !
Je voudrai partir loin de l’hystérie des charlatans qui appellent à la lapidation des femmes pendant que l’éminence civilisée cède encore des territoires à la barbarie de la barbe et de la burqa.
Je voudrai prendre le large et aller vers d’autres contrées, les miennes sont avariées, corrompues de chapelles outrageuses depuis que des nuits accablantes les gagnent hâtivement et s’éternisent, blousant les aurores qui se perdent saccagées d’anathèmes et d’injures. Je voudrai aller, là où le soleil du soir nappe le rideau de la mer de tons vermeils sans fermer ses confins, loin des désopilants ballets de dévotions simulées que composent des duplicités elles-mêmes dupées.
Je voudrai partir là où la lune câline les corniches faisant au bord de la mer des flots blancs comme des neiges éternelles.
Je voudrai aller là où le genre humain ne se plie pas à la morale du commerçant ni ne succombe aux rayons trompeurs de l’or ni ne fléchit devant les ardeurs des slogans et réclames. Je voudrai partir là où l’Homme n’est pas un arrière-produit gratuiciel, digitalisé pour faciliter son transfert vers la consommation dans un ordre numérisé.
Je voudrai aller là où les silhouettes ne sont pas froissées dans des dogmes définitivement établis par les géniteurs du chaos qui ont en horreur de ce qui subsiste du printemps…
Je voudrai aller là où l’exécution du supplice de feu ne se fabrique pas contre les théorèmes par l’autorité axiomatique d’une schizophrénie collective ; là où l’ordre pédant ne tague pas les lutrins afin de ravitailler la racaille de barbouzes et malandrins.
Je voudrai aller là où aimer n’est pas indice de démence ; là où l’amour se rajoute d’instinct à la fureur des étreintes. Là où les corps des amants s’entremêlent sans répit afin que s’amenuisent les chagrins. Je voudrai aller là où l’ode des lèvres humectées de baisers exige plus de marge aux effluves du vin pour mieux semer la joie.
Je voudrai partir là où les femmes refusent les cocktails d’instances et fuient la corruption des accoutrements de luxe tirés des vils animaux. Là où les muses ne tombent pas dans les strates de l’oubli à force d’attendre que se réchauffent les tendresses engourdies par la froideur des idylles asphyxiées.
Je voudrai aller aux rivages lointains où l’odeur fumante des rochers sent la pointe acre mais délicieuse des moules, là où l’enivrement rajoute de l’extase aux quolibets que j’adresse à ma misérable vie dont je me suis entiché pitoyablement sans l’implorer de me réserver la moindre indulgence.
Je voudrai aller dans les domaines où l’arbre est sacralisé et où tout par les fleurs se nomme et je saurai que je suis arrivé à bon port. Sinon, laissez-moi avec mes mots à la métrique, ils me procurent l’ivresse de l’essor et me gardent de sommeiller comme un oiseau aux ailes crédules dans un coin obscur du passé.
Djaffar Ben