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Chronique

Les Hamma Loulou, qui s’en rappelle ?

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Une chronique de Djaffar Benmesbah

Tout comme Ben Bella et Boumediene qui avaient entrepris le culot avec l’appui des chars jusqu’à livrer le pays au comique et à l’absurde, Chadli avait décidé d’éduquer la société à sa façon. Il avait débuté son règne par une terrible répression, notamment en Kabylie. Puis, il eut dans Alger l’apparition des « Hamma Loulou », un nouveau corps dans la police composé d’éléments analphabètes, recrutés des régions déshéritées.

Les Algérois les avaient surnommés ainsi, « Hamma » du nom d’un quartier de Belcourt où ils étaient cantonnés et « Loulou » du nom du commissaire qui en était le commandant. Ils étaient jeunes et incultes, frustrés et bourrés de complexes parce qu’ils étaient nés et avaient grandi dans des hameaux éloignés du monde moderne.

Ils auraient été peut-être des gars gentils si la direction de la police n’en avait pas fait des rogues sans aucune pitié, manufacturés pour maltraiter tout le monde. Personne n’y échappait, ils bousculaient les vieilles et brutalisaient les vieillards. Ils malmenaient d’abord à coups de matraque avant la vérification d’identité. Ils n’avaient aucune notion du droit ni du civisme. Pas de respect, aucune indulgence. Il suffisait qu’un homme traverse la rue en dehors du passage clouté pour qu’ils se mettent à le tabasser.

Quelques fois, ils violentaient un homme parce son regard s’était hasardé dans leur direction, ou bien parce que son nez ne leur plaisait pas. Ils n’avaient d’égards que pour leurs collègues policiers, les magistrats et les officiers militaires, les autres, tous les autres étaient des indociles à discipliner. Telles étaient leurs instructions.

Souvent, ils se donnaient à des jeux dégradants et humiliants ; ils ordonnaient aux jeunes et aux moins jeunes de se tenir un bon moment debout sur une seule jambe, les mains levées. Se tenir au balcon de son appartement était interdit et les balades en couples les outrageaient. Ils interpellaient les gens pour le plaisir pervers de les voir se morfondre en excuses quand bien même, ils n’avaient rien à se reprocher.

Quand ils débarquaient dans le quartier, le silence se faisait automatiquement ; il ne fallait surtout pas les regarder dans les yeux, ce qui justifiait les avalanches d’injures. Ils avaient la passion d’innover dans l’insulte jusqu’à la rendre plus crottée, plus offensante. Leurs provocations n’avaient pas de limites  » Nique ta mère ! Ça ne te plaît pas que je te demande ce que tu fais dans la rue à 22 heures ? »,  » Si ta mère n’était pas une pute, tu serais chez toi… La nuit, il n’y a que la police, les prostituées et les bâtards dans la rue ! ».

Dans les commissariats se jouaient la bestialité, le sadisme et la torture. Le chef de l’appareil du parti unique parlait d’unité dans la pensée ! La police algérienne délaissait la charge que lui assignait la constitution pour adopter celle d’une armée d’occupation. Tragi-comique manière dont le nouveau pouvoir de Chadli usait pour rectifier les erreurs de celui qui l’avait précédé.

Le spectre d’un État policier apparaissait au grand jour au même temps que la misère et les injustices innommables. Les bidonvilles sortaient de terre et les compulsives campagnes policières s’intensifiaient. L’individu était ignoré, voire méprisé. La moindre faute pouvait envoyer son auteur sous la matraque à la dure récolte de l’alfa dans les hauts plateaux. La faute pouvait être une promenade nocturne loin de son quartier de résidence ou alors, une parole incomprise à l’adresse d’un policier qui aurait eu à la juger déplacée…

Djaffar Ben

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