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Chronique

La contre-révolution : manipulations grossières aux conséquences dangereuses

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Le système est toujours là. La démission du président et l’activation de l’article 102 qui fait entrer en scène les institutions du système et ses hommes pour gérer la transition, avec le consentement de l’institution militaire, nous installent dans la continuité du pouvoir des militaires, même masqués derrière les atours de civils.

La suprématie constitutionnelle du président est transférée à l’homme du système, qui sera installé en vertu de l’article 102, pour prendre en charge l’organisation des élections présidentielles à venir. Maintenant que la tête de l’institution militaire est seule à la manœuvre, le peuple fait l’objet d’une grossière mais dangereuse manipulation.

Dans le sillage de la liesse qui a suivi la démission du président, les médias, qui tentent de faire oublier leur allégeance au pouvoir en place, engagent la campagne de pacification. Faire passer les appels des appareils de l’Etat et des partis politiques de l’allégeance pour appeler au calme et à l’apaisement du peuple. Comme si ce peuple est en situation d’hystérie, faisant oublier son pacifisme avéré.

Dans ce cadre, ils ne maquent pas de jouer sur la sémantique du mot « révolution », par le truchement de son équivalent en arabe « Elthaoura », pour mettre en avant les traits sémantiques qui renvoient faussement à l’agitation violente des révoltes, des soulèvements, au demeurant légitimes au regard des espérances de paix qu’elles portent.

Ils veulent ainsi gommer les traits sémantiques du vocable-concept « révolution » qui renvoie à « rupture » et à « processus de réorientation », à « tendance de retrouver l’équilibre dans une réalité autrement et mieux pensée ».

La manipulation consiste aussi à faire passer l’institution militaire pour le héro qui a courageusement provoqué la démission du président et par extension celle qui a la sagesse d’imposer la solution constitutionnelle.

Ils veulent faire oublier que contrairement à cette thèse, c’est plutôt la population qui a donné mandat et légitimité populaire pour permettre à l’institution militaire de contourner les contraintes limitatives constitutionnelles dans lesquelles elle est enfermée pour intervenir sans culpabilité. C’est le peuple qui a brisé le mur du silence et a percé la chape de la peur.

Par ailleurs, le travail de falsification commence par la réactivation du levier de l’amnésie et de l’hagiographie.  Faire passer le président démissionnaire, contre toute logique et bon sens, comme victime d’un système qu’il a lui-même édifié. Ce faisant, ils veulent faire croire que le système, acceptable durant les trois premiers mandats, n’a commencé à déraper qu’à partir du quatrième.

Ils veulent faire oublier que les victimes de ce système se comptent en larges pans de la population victimes doublement du terrorisme et d’une réconciliation qui n’a pas su leur donner réparation.

Faire oublier que de larges pans des populations ouvrières ont perdu et emplois et outils de travail, sous un faux prétexte de modernisation de l’économie, pour être livrée à des prédateurs, devenus millionnaires et milliardaires en dollars, avec des entreprises en carton qui ne valent que leur pesant de faux chiffres indicateurs de leur santé.

Faire oublier  la fermeture du champ politique, en ruinant toute instance d’expression politique, en affaiblissant les partis d’opposition et les institutions de l’Etat mises exclusivement au service du roi, en muselant les canaux de l’expression journalistique et médiatique, en étouffant les voix des activistes des droits de l’Homme et des activistes politiques.

Faire oublier l’usage de la répression policière et militaire à l’encontre des aspirations populaires quant à leur  autodétermination identitaire, avec, faut-il le rappeler, la complicité lâche des autres populations, attestée aussi à l’encontre de toutes les autres révoltes réprimées.

Faire oublier que, comme tout système qui se régénère par ressources et énergies internes, ce système se nourrit de l’imposture et l’illégitimité qui a formaté tous les rouages de l’administration et de l’entreprise sur la base du vice de la corruption qui n’a de corolaire que le clanisme, l’affiliation partisane et familiale, la formation à l’asservissement dans les écoles-fabriques de hauts cadres, qui ont servi de critères déterminant dans la nomination aux postes de responsabilité, tous secteurs confondus.

Dans ce cadre, la compétence a été étouffée, découragée, poussée vers l’exil ou jetée dans les bras de la dépression. Le sort du secteur de l’enseignement supérieur et celui de la santé, pour ne citer que ceux là, en sont les exemples typiques du mépris affiché par la médiocrité à l’encontre de l’intelligence.

Faire oublier l’instrumentalisation du champ syndical, en l’asséchant au profit de l’Ugta, minée de l’intérieure, pour étouffer toute voie contestataire et travailler pour la sérénité du patron et du ministre, en est un autre exemple de cette médiocrité élevée au rang de vertu.

Le peuple, sous le prétexte fallacieux d’une souveraineté de papier conférée par l’article 7 et 8, est appelé à prêter le flanc aux coups du système qui se régénère aujourd’hui sur les mêmes bases. La composition du nouveau gouvernement en donne une image représentative de la banalisation de la fonction d’Etat et par extension de la fonction présidentielle que l’on veut imprimer dans l’esprit de chacun.

De son côté, l’Etat est en mesure de mobiliser une rangée de réservistes de l’administration et des cadres de partis pour la galerie gouvernementale. De l’autre côté, les populations sont sous la séduction d’une image réductrice de la « compétence jeune et dynamique » en la personne d’un groupe de personnalités émergentes contestataires soit, mais toutes ne sont pas éligibles forcément, sur la base de ce seul critère, à être propulsées vers la gestion des affaires de l’Etat. La population compte toutes les meilleures compétences qui soient et dans tous les domaines pour ne pas sous estimer sa force et son génie et les réduire à l’instantané de l’image médiatique.

Y. I.

Docteur ès Sciences du langage, Professeur des universités, Département de français, Université Alger2

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Mohammed Hlal
Mohammed Hlal
3 années plus tôt

Le plus dure reste à venir. Le régime en place reste, pour le moment, maître du jeu. il possède toujours les leviers de commande à la fois sécuritaire et économique. Il a l’expérience des magouilles politiques et de la manipulation des masses. La seule solution pour en finir, une fois pour toute, est de continuer la mobilisation populaire pacifique contre tous les représentants de l’ancien système qu’ils soient civils ou militaires. Ce qu’il faudrait éviter absolument c’est de chercher un compromis politique de transition comme il semble le réclamer le clan des sécuritaires. C’est un piège mortel pour la seconde… Lire plus »

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