Société
Tests de virginité en Tunisie: le poids des traditions et la déontologie médicale
Aya (pseudonyme) fut mariée à 19 ans, un mariage arrangé, qui a failli tourner en un drame familial. Aya n’a pas saigné lors de sa défloration. Affolé, son mari lui demande d’aller le lendemain chez un gynécologue malgré les assurances de sa femme qu’elle n’a jamais eu de rapports sexuels auparavant.
Aya abdiquait finalement en allant consulter, accompagnée par son mari et sa belle sœur, dépêchée comme témoin. “Ma mère et ma sœur n’ont pas eu de saignements également”, raconte Aya.
Arrivée au gynécologue, Aya et sa belle sœur expliquent la situation. “On lui a dit que je risque le divorce et pire encore un scandale, un déshonneur dans tout le village. Après m’avoir examiné, le gynécologue a fait entrer mon mari pour lui expliquer que je suis née sans hymen”, se souvient-elle. L’hymen de Aya est ce qu’on appelle un hymen complaisant.
“Il a le droit de chercher des explications mais le fait de m’emmener au gynécologue et avec sa sœur que je ne connaissais pas vraiment m’a blessé mais on m’a dit qu’il avait le droit, même ma mère était de son coté, j’ai fini par être convaincue que c’était normal”, ajoute-t-elle. Depuis, Aya a eu 4 enfants de son mari.
Autre histoire, celle de Hiba (pseudonyme). La jeune femme avait 28 ans au moment des faits, quand sa sœur a découvert un paquet de contraceptifs dans son sac. Alertée, la mère de la jeune femme, apeurée, cherchait des explications. Hiba invente une histoire selon laquelle ces contraceptifs ne lui appartiennent pas, mais à une amie intime. Pas convaincue, la mère menace d’emmener sa fille se faire examiner pour s’assurer de sa virginité. Puis, elle se rétracte et préfère emmener Hiba chez un gynécologue. “N’étant pas vierge et ayant compris l’enjeu autour de cet examen, le gynécologue a tenu à rassurer ma mère quant à ma virginité”, raconte-t-elle. “Je lui en serai reconnaissante toute ma vie”, lance-t-elle.
Une pratique contestée
Contactée par le HuffPost Tunisie, la gynécologue Mariem Bouaziz a expliqué que les gynécologues sont tenus de préserver le secret médical. “Personne, à part la patiente, n’a le droit de savoir si elle est vierge ou pas. La patiente est examinée seule”, explique la spécialiste.
Et d’ajouter: “On informe la patiente si elle le demande (NDLR: de savoir si elle est vierge ou pas) et c’est à elle de transmettre l’information ou pas”, explique la spécialiste.
La gynécologue explique qu’il y a une dérogation à cette règle, en l’occurrence quand le mari demande le divorce pour non-virginité de la femme. Dans ce cas, la justice donne l’ordre d’examiner l’épouse par un médecin légiste, mais ce cas de figure ne concerne pas la libre pratique, précise-t-elle.
Samia (pseudonyme), infirmière, assiste dans le cadre de son travail à ce genre de pratiques dans un hôpital. “Le test de virginité se pratique dans le cadre des affaires de fugues d’adolescentes, de viols, ou de racolage notamment”, explique-t-elle.
Une jeune femme se trouvant dans la rue et accusée par des policiers de racolage est susceptible de subir un test de virginité pour savoir si elle est vierge ou pas, ajoute l’infirmière.
C’est justement ce genre de pratiques que dénoncent l’OMS, le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et ONU Femmes, dans un rapport rendu public le 17 octobre. Selon les organisations, les tests de virginité “n’ont aucune valeur scientifique et sont potentiellement dangereux”.
Cette pratique est “médicalement inutile, humiliante et traumatisante”, fustigent-elles.
Les tests de virginité s’opèrent de différentes manières: La première en inspectant visuellement l’hymen. Le deuxième en insérant deux doigts dans le vagin. “Ces deux techniques sont pratiquées en vertu de la croyance selon laquelle l’apparence des organes génitaux féminins peut indiquer si une fille ou une femme a déjà eu des rapports sexuels. L’OMS affirme que rien ne tend à démontrer que l’une ou l’autre de ces méthodes permet de prouver qu’une fille ou une femme a eu ou non des rapports vaginaux”, souligne l’OMS. Huffpost Tunisie