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La corruption « ronge » le football algérien

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Le football en Algérie, c’est une question de passion, de culture et d’histoire, mais pas seulement. Il y a aussi la corruption, qui « ronge » le football algérien de l’intérieur.

« Il est facile pour tout le monde de truquer des matchs et d’en manipuler les résultats. Il suffit seulement de comprendre le processus de truquage des matchs », confie un individu habitué à de telles pratiques aux journalistes du service arabe de la BBC.

Une corruption à la carte

La corruption a atteint tous les échelons du football algérien, selon d’anciens footballeurs, des joueurs en activité, des arbitres et des dirigeants de la discipline sportive contactés dans le cadre d’une enquête menée pendant trois ans par la BBC, sous la direction du journaliste Philippe Auclair.

L’ampleur de la corruption dans le football algérien fait dire à un ancien cadre de la discipline que ce sport n’est « pas seulement un jeu » dans le pays.

« Le football algérien a peut-être déjà franchi le point de non-retour », affirme, pour sa part, un ancien cadre de la FIFA.

Selon des informations collectées par la BBC, la corruption de joueurs et d’officiels est tellement courante dans le football algérien qu’il existe une « liste des tarifs » quasi officielle.

Ces tarifs ont été approuvés par toutes les parties concernées et varient selon que les sujets à corrompre sont des joueurs ou des dirigeants. Une corruption à la carte. Les tarifs tiennent comptent également du contexte et de l’importance du match.

En première division par exemple, un arbitre corrompu peut prétendre à un cachet d’un million de dinars algériens, l’équivalent de 6.500 livres sterlings, soit 4,8 millions de francs CFA. Les arbitres algériens sollicités pour les matchs internationaux gagnent moins de 10% de ce montant par mois. Truquer un match pour obtenir un résultat nul peut coûter deux fois plus cher…

La militarisation du football algérien

Et il faut noter que les tarifs augmenteront à l’approche de la fin de la saison, une période durant laquelle il est possible même d’acheter le titre ou d’échapper à la relégation. La corruption ne se limite pas aux deux premières divisions du football algérien : même les matchs des petites catégories sont parfois truqués.

« C’est vraiment l’enfer dans les petites catégories. Violence, corruption… Il y a tous les fléaux », s’indigne le président d’un club professionnel interrogé par la BBC.

Tout le monde semble savoir comment fonctionne le « système ». « Nous connaissons les corrupteurs, mais personne ne fait rien contre eux. C’est un problème politique. Et quand les politiciens s’immiscent dans le football, c’est fini », déclare un ancien haut responsable de la Fédération algérienne de football (FAF).

Les médias algériens en sont arrivés à qualifier d' »étranges » les résultats de certains matchs du football local.

Et les dirigeants des clubs de football déplorent publiquement la corruption. Mais il est impossible d’identifier des coupables, selon les sources contactées par la BBC, qui requièrent avec insistance l’anonymat, car dénoncer les coupables mettrait les dénonciateurs en danger.

Un mauvais résultat

« En Algérie, il n’y a pas de place pour les héros. Ils finissent par devenir des victimes », affirme un commentateur de football très respecté dans le pays, laissant entendre qu’il est dangereux de dénoncer la corruption dans le football.

Il faut noter que certains supporters fortunés prennent quelquefois part à la manipulation des matchs, à travers des échanges sur Internet ou des messageries privées. L’argent mis de côté, ils peuvent recourir à l’intimidation ou à la violence pour obtenir les résultats souhaités.

L’actuelle administration du football algérien, la FAF, a mené une campagne de lutte contre la corruption. Entre autres initiatives, elle a mis en place une commission de contrôle des finances des ligues professionnelles et de la FAF même.

Malgré cette mesure, des dirigeants du football local ont activement pris part à la manipulation de résultats de matchs en 2018, selon les sources contactées par la BBC.

La corruption semble réduire les performances de l’équipe nationale de football, qui s’appuie sur des footballeurs d’origine algérienne nés et formés en France.

Les Fennecs, qui ont donné à l’Afrique sa toute première victoire en Coupe du monde en 1982, n’ont même pas gagné un seul match à la Coupe d’Afrique des nations 2017. Ils n’ont pas réussi non plus à se qualifier à la Coupe du monde 2018.

Nettoyage

Il n’est pas exagéré de dire que l’avenir du football algérien est en danger. L’Algérie a pourtant vu naître les premiers clubs de football en Afrique, les plus puissants du continent aussi, au XIXe siècle. Des clubs dont les joueurs ont été à l’avant-garde de la lutte pour l’indépendance du pays.

L’équipe nationale du pays est à la traîne, pas par manque de talents, mais à cause du niveau de la corruption du football dans ce pays, concluent les journalistes de la BBC.

Un porte-parole de la Fifa a déclaré à la BBC que l’organe directeur du football mondial « prend très au sérieux la question de la manipulation des matchs ». « Nous pensons que la protection de l’intégrité du football est primordiale », dit-il.

Les informations collectées par la BBC sur la corruption dans le football algérien « ont été transmises aux départements et organes concernés de la Fifa, conformément à nos procédures », assure le porte-parole de l’organisation.

La Fifa encourage aussi toute personne susceptible de fournir des informations sur cette question ou sur toute autre question affectant l’intégrité du football algérien d’entrer en contact avec BKMS, sa plateforme électronique dédiée à la lutte contre la corruption dans le football.

« Le nettoyage du football est l’une des priorités de la direction actuelle », a répondu à la BBC le président de la Fédération algérienne de football, Kheireddine Zetchi.

« Les faits auxquels la BBC fait référence remontent à une époque où le bureau fédéral actuel n’était pas aux commandes », argue-t-il, rappelant que le comité exécutif de la FAF qu’il dirige a été élu en mars 2017.

L’enquête de la BBC a été menée durant les saisons 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018. « La manière dont s’est déroulée la professionnalisation du football algérien met en péril l’existence de nos clubs », affirme Kheireddine Zetchi, ajoutant que la FAF a le « devoir de vérifier la véracité des affirmations faites par des sources anonymes ». BBC

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